Sans pouvoir évoquer toutes les facettes de ce personnage incontournable du XVIIIe siècle, l'exposition permet d'en mesurer l'envergure par la présentation de documents d'archives, de souvenirs lui ayant appartenu et de tableaux provenant de sa collection : François Boucher, Claude-Nicolas Cochin, Joseph Vernet, Carle Van Loo nous livrent les secrets du goût de cette protectrice des arts.
Portrait de Madame Geoffrin Par Bernard Degout, directeur de la Maison de Chateaubriand
La Maison de Chateaubriand accueille, pour quelques mois, le « royaume » de Mme Geoffrin. Le premier étonnement passé, on songera que d’aucuns ont considéré que Juliette Récamier, qui habita quelque temps la Vallée-aux-Loups, était la Mme Geoffrin du XIXe siècle. Mais qui était Mme Geoffrin ?
Elle demeure à bien des égards énigmatique, davantage esquissée que vraiment peinte – tout comme à la vérité la personnalité de Juliette Récamier conserve bien des mystères. Mme Geoffrin elle-même s’est présentée comme la continuatrice de Mme de Lambert, qui émancipa son salon de la Cour de Sceaux ; mais Juliette ne s’est jamais revendiquée de Mme Geoffrin. Le lien fut établi par d’autres, Mme d’Abrantès, puis Sainte-Beuve, forts de la commune origine bourgeoise des deux femmes et de la notoriété européenne qu’elles connurent. Par-delà l’ « abîme révolutionnaire », sans doute voulait-on également se rassurer sur la continuité d’un monde dont Mme Geoffrin devint l’illustration exemplaire.
Pierre Allais, Madame Geoffrin, collection particulière
Mais il fallait aussi que le lien entre les deux époques ait été fait par des témoins. Ce fut, au premier chef, le cas et le rôle de l’abbé Morellet (1727-1819), défenseur sous l’Empire de la figure de Mme Geoffrin, dont il traça par la même occasion le portrait le plus achevé. Il expliquait ses succès par sa bonté, sa sensibilité et, surtout, l’exercice contre les artifices de la société d’une raison naturelle cultivée sa vie durant.
Or il advint qu’un jeune écrivain, rentré depuis peu d’émigration, publia en 1801 une "anecdote" écrite "sous la hutte des sauvages", et peignant "une nature et des mœurs tout à fait étrangères à l’Europe" : c’était Atala. Le même abbé Morellet éreinta l’ouvrage, dans des Observations dont Chateaubriand, vingt-cinq ans plus tard, reproduisit de larges extraits en annexe à une réédition de son roman. Le monde de Mme Geoffrin ne le laissait pas en paix. L’hôtesse de la rue Saint-Honoré revient hanter la Vallée-aux-Loups.
Jean-Marc Nattier, Mme Ferte-Imbault. 1740 Tokyo, Fuji Art Museum*Anicet Charles Gabriel Lemonnier, Salon de Madame Geoffrin,Lecture de la tragédie de Voltaire, l’Orphelin