L’HADOPI s’intéresse au livre numérique et prépare son label

Par Ebouquin

Visiblement, la réception d’un email de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) a étonné certains de nos lecteurs. Comme l’a également relevé Actualitté (on partage juste des lecteurs, pas la même boîte mail ), la machine HADOPI semble en marche pour s’intéresser à un nouvel univers, le livre numérique, après celui des contenus audiovisuels. Depuis quelques mois, une nouvelle orientation a été prise par l’autorité en essayant de favoriser le dialogue autour des Labs Hadopi.

Ces Labs sont chacun caractérisés par un domaine bien distinct : Réseaux & Techniques, Économie Numérique de la Création, Usages en Ligne, Propriété Intellectuelle & Internet, Internet & Sociétés. De quoi couvrir à coup sûr tous les sujets qui touchent au numérique, par le biais de réunions réunissant des professionnels, des universitaires et des particuliers (dont nous avons hâte de pouvoir lire les premiers rapports de travail, soit dit en passant). Notamment par ce que la prochaine cible de l’HADOPI est l’ebook. En effet, une réunion de travail se tiendra le 19 mai, dans un lieu encore indéterminé, pour aborder le vaste sujet de l’écosystème naissant du livre numérique.

De nombreux travaux ont été consacrés à ce sujet, en une période de forte incertitude et de transformations importantes. L’objectif n’est pas de rajouter une rencontre de plus aux multiples et très intéressants débats et conférences ayant déjà eu lieu. Mais de s’appuyer sur les travaux existants pour proposer quelques idées fortes qui devront être débattues dans l’espace public.

Réaliste mais ambitieux (“proposer quelques idées fortes qui devront être débattues dans l’espace public”), le livre numérique présente quelques avantages sur les produits audiovisuels, comme celui d’être encore peu piraté (cf. EbookZ 2). Mais afin d’éviter que le débat dérape, un plan de discussion est déjà proposé dans l’email d’invitation.

i.     Offre licite/illicite face aux usages : quelles différences de services dans l’offre licite, illicite (du point de vue de l’ergonomie des sites, de la qualification et du repérage des ouvrages, du processus de recherche

ii.     La transformation des pratiques : que change la numérisation des ouvrages aux usages des lecteurs ?

iii.     Les pratiques collectives : quelles types de pratiques collectives se développent autour du livre numérique ? quels rapports avec l’offre d’ouvrages ? Quelles transformations des prescripteurs

Visiblement, il s’agira durant ce premier séminaire de poser les bases aux prochaines discussions sur le livre numérique, tant les intitulés choisis sont larges. Et peut-être même trop scolaire. En plus de ces séminaires touchant à notre matière, l’HADOPI prépare actuellement l’ouverture de son “Label Offre Légale” aux éditeurs et distributeurs numériques.

Nous avons obtenu le dossier d’adhésion envoyé aux éditeurs numériques souhaitant être frappés du sceau HADOPI. A première vue, il y a aucune différence entre celui proposé aux éditeurs et distributeurs d’ebook et la version pour les acteurs de l’audiovisuel. Nul part se trouve la mention de “livre numérique” ou “ebook”. C’est à se demander s’il n’y a pas eu erreur ou si les membres de l’autorité n’ont pas fait cela dans l’empressement. Pourtant, les éditeurs et distributeurs candidats maintiennent que le livre numérique peut bien être candidat au label. Les intéressés se rendront sur le site de l’HADOPI pour télécharger une partie du dossier et découvrir la marche à suivre. Ce dossier comprend plusieurs formulaires visant à faire étiqueter ses contenus de la mention “Offre Légale”, suivant les critères de la Haute Autorité. Entre autres, la fameuse déclaration sur l’honneur certificiant que le distributeur commercialise son catalogue avec l’accord des ayants droits.

Quel intérêt aurait un éditeur numérique ou un distributeur numérique à demander à tel label? L’HADOPI bénéficie d’aucun capital de sympathie depuis son origine et sa forme est de plus en plus remise en cause, notamment par le Président de la République qui a reconnu hier des “erreurs” dans sa mise en forme (cf. Le Monde). De plus, il semble avoir du mouvement au sein des premiers distributeurs ayant demandé la labellisation (la liste est accessible sur le site). Il y a quelques jours DLGamer suspendait sa demande en attendant d’obtenir des éclaircissements sur “les obligations liées à celle-ci”, comme le rapporte PC Inpact. Visiblement, tout n’est pas très clair dans l’HADOPI…

Dans tous les cas, l’avenir de ce label n’est pas tout tracé. On peut se demander la pertinence cette étiquette dans l’univers naissant du livre numérique. Aujourd’hui, le consommateur repère facilement le contenu légal de l’offre pirate qui est encore peu répandue mais continue à gagner en importance. Au fond, l’existence de ce label est peut-être essentiel pour la poursuite des travaux de l’HADOPI (et sa raison d’être) mais on n’hésitera pas à questionner sa pertinence pour les éditeurs, même les pure-players numériques, et les distributeurs de livres numériques. Une association d’image qui pourrait les desservir…