Par Eddie Williamson - BSCNEWS.FR / Le premier album des Chicagoans de Disappears empruntait autant au krautrock qu’au psychédélique du Velvet Underground, avec ses morceaux courts, répétitifs et mélodiques. Avec du fuzz et de la réverb’ dans tous les sens, ils ont réussi à créer sur Lux (2010) un son bien distinctif, mais je reprochais à ce disque de ne pas aller plus loin. Bon album, excellent premier morceau, mais rien de plus si ce n’est une promesse, celle que le prochain album irait plus loin. Guider, ne répond pas entièrement à mes attentes, mais restera dans ma mémoire…
Le contexte dans lequel vous découvrez une musique peut vous faire aimer ce que vous auriez qualifié de merdique autrement, et vice-versa. Il n’y a pas de meilleur contexte que d’autre, mais je me rends compte que découvrir des artistes dans mon appartement n’est pas l’idéal pour démarrer une relation avec un artiste. J’aime pouvoir associer mes autres sens à une musique. La vue, le toucher, le goût, l’odorat. Non qu’il soit impossible de tomber amoureuse d’une musique rien qu’avec sa paire d’oreilles, bien entendu. L’imagination prend alors le relais pour créer un petit monde autour de chaque chanson, un monde qui semble s’agrandir, gagner en détails à chaque écoute. Parfois j’aime aussi essayer de retrouver les impressions originelles qui m’ont accompagnées lors de la première écoute, y revenir avec un esprit « vierge » comme si j’avais effacé d’une pensée toute la relation que j’avais jusqu’ici avec le morceau.
« Revisiting » je l’ai entendu pour la première fois dans la voiture d’un copain. Il a une super sono dans une voiture minuscule, on roulait de nuit sur l’autoroute et je lui ai proposé d’écouter cet album que j’avais téléchargé deux jours avant. Les premiers morceaux sont passés sans problème avec moi lui sortant mes impressions et des références post-punk dont il n’avait jamais entendues parler : « sa voix me fait grave penser à un mélange de Thurston Moore, tu sais le mec des Sonic Youth, mais si, j’ai la pochette d’un de leurs albums en fond d’écran de mon téléphone depuis des mois, et puis Mark E Smith, le chanteur de The Fall aux textes fabuleux, tiens d’ailleurs ça fait six mois que j’dois chroniquer leur dernier album sur mon site, et puis… ». Oui, je jacte comme ce n’est pas permis quand je découvre un album, d’habitude je garde ça dans ma tête parce que je ne parle pas encore toute seule mais les circonstances faisaient que… bref, on s’en fout. On est donc arrivés à « Revisiting ». Si j’avais pipé le moindre mot lors de l’écoute je me serai pris une baffe, et je m’en serai foutu une juste après pour avoir gâcher ce moment.
En rentrant chez moi je suis allée lire quelques critiques de ce disque et que ne fut pas ma surprise en découvrant que blogueurs et journalistes qualifiaient ce titre de « driving music ». De la musique pour conduire. J’avais voulu faire une playlist là-dessus il y a un moment, parce que l’expression me plaisait bien, il existe même des compilations de « driving music », mais je me suis butée à un obstacle de taille : je n’avais aucune idée de comment vous expliquer ce qu’est de la musique pour conduire. Je comprends ce que c’est, je peux en reconnaître que j’en entends, mais pour mettre des mots dessus, je bloque complètement. Si vous êtes plus inspiré que moi, laissez-moi un commentaire ci-dessous.
« Revisiting » est un mastodonte inarrêtable. Littéralement inarrêtable, une fois lancé je ne sais stopper l’écoute. Pourtant un morceau répétitif qui frôle les seize minutes, on est d’accord, il y a plus attirant. Tout le monde n’a pas été bercé au krautrock (« crotte quoi ? ») ou à Tortoise (« Toys R Us ? »), moi y compris, les morceaux comme « Revisiting » demandent donc une certaine ouverture d’esprit, et, surtout, un goût certain pour un rock minimal à la batterie néandertale, et qui n’a pas peur d’user et d’abuser de réverbération. Au bout de 7 ou 8 minutes, dans cette voiture au beau milieu de la notion, j’ai perdu la notion du temps, j’oubliais par moments que j’étais assise dans cette voiture à regarder les bandes blanches défiler, je crois même que je clignais des yeux au même rythme que ces bandes passaient sous la voiture, c’était pas de l’hypnose, j’étais juste complètement immergée dans le morceau et dans l’espace. D’autres critiques parlent de désorientation liée à la répétition, ce n’était pas exactement ça, mais on reste dans le même esprit. C’est assez génial si vous vous prenez au jeu, et il n’y a pas d’effets secondaires ou de redescente angoissante, si vous voyez c’que j’veux dire.
Quelques mots sur les autres morceaux : puissants, simples, pan-dans-ta-face, plus ou moins punk, avec une batterie super imposante derrière, carrément brouillons mais suffisamment sympas pour y revenir avec plaisir avant de replonger dans « Revisiting ». Bon album donc, bien que très peu équilibré et manquant un peu d’originalité, qui ne tient sa place ici que grâce à ce dernier morceau fabuleux, et au petit road-trip pendant lequel il m’a à tout jamais marqué !
Sorti le 17 janvier 2011 chez Kranky Records