A un an, presque jour pour jour, de la présidentielle de 2012 l’Elysée publie un bilan des quatre années écoulées. Il eut été surprenant que cette publication soit négative. Les bémols, il y en a, sont à rechercher dans les circonstances évoquées, économiques, internationales, pour expliquer les insuffisances ressenties.
Ce document publié sur le site de la Présidence de la République et titré « 4 ans d’action », s’évertue à magnifier la volonté inébranlable d’action évoquée sans relâche depuis 2007 par le candidat, puis le Président Sarkozy. Une action sur tous les « fronts » : chômage, universités, sécurité, immigration, vie parlementaire, environnement, gestion de la crise mondiale.
L’introduction résume l’obsession de la recherche des changements et de la « rupture », la condamnation de l’immobilisme : « Depuis quatre ans et malgré la crise, la France avance. Notre pays change, se modernise et se transforme. Il le fait grâce aux efforts de chacun des Français, grâce au courage de tous. Depuis quatre ans, la France s’est remise en mouvement. Les lignes ont bougé. La France, grâce aux efforts des Français a montré qu’elle pouvait se réformer. Notre pays n’est pas condamné à l’immobilisme, ni au déclin. » […] « Ces réformes, les Français les ont attendues longtemps. Ils les ont choisies sans ambiguïté lors de la dernière élection présidentielle de 2007 car le 6 mai 2007, Nicolas Sarkozy a été élu par les Français sur une seule promesse : celle du changement. »
La demi-teinte apparaît en considérant la place importante donnée aux circonstances « imprévues » qui ont pu tempérer, édulcorer, les promesses de campagne. En clair, ces engagements n’auraient pas été abandonnés mais simplement retardés, rendus plus timorés, à cause de « la crise ». « Sans renoncer à mettre en œuvre les engagements pris pendant la campagne, Nicolas Sarkozy et le gouvernement ont dû faire face à l’urgence des faillites bancaires, à la chute de l’activité et à la hausse du chômage. Alors qu’il présidait l’Union européenne, c’est au chef de l’État français qu’il est revenu d’organiser la réponse internationale à cette crise sans précédent dans le cadre du G20. »
L’effort demandé au peuple français n’est pas négligé, son courage et ses capacités d’adaptation soulignés ; c’est très formel et d’une bonne discipline : « Il s’agit aussi de rendre hommage au courage dont les Français ont fait preuve au cours des quatre dernières années. Changer n’est jamais facile et forcément toujours risqué. Mais au cours de ces quatre dernières années, marquées par tant d’événements imprévus, les Français ont démontré qu’ils étaient un grand peuple, capable d’affronter les urgences du présent, aussi bien que de relever les défis de l’avenir. Un peuple à la hauteur de son Histoire. »
On retrouve par moment les accents dignes d’un Jack Lang des grands moments, déclarant en 1981 « nous sommes passés de l’ombre à la lumière » quand, évoquant la sécurité, le document laisse entendre qu’en la matière, il y aura un avant Sarkozy et un après … La justice étant au passage égratignée pour son rythme plus modéré d’acceptation des réformes que celui des forces de sécurité (police et gendarmerie)
L’environnement semble être une autre grande satisfaction, avec « le Grenelle » et l’affirmation que notre pays est à l’avant-garde des propositions internationales en la matière. La France serait toujours au premier rang dans ces négociations, reconnues délicates et difficiles, pour tenter d’obtenir des résultats en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, la protection de la biodiversité ou l’émergence des énergies propres dans les pays en développement.
A l’évidence ce document sera très fortement contesté, même caricaturé par l’opposition ; c’est son « rôle » pour ne pas dire sa raison d’être. Il serait d’ailleurs difficile de bien cerner qu’elles auraient été les actions de cette dernière si elle avait été « en responsabilité », impossible même. Mais au-delà de ces polémiques inutiles, cette publication est intéressante en ce sens qu’elle cible les domaines désignés comme « sensibles » et qui ne manqueront pas d’être privilégiés par un sortant candidat à sa réélection. On perçoit le désir d’en faire un « fixateur » des sujets à débattre. Il appartiendra aux prétendants multiples et variés de se laisser entraîner sur ces sujets ou au contraire d’en désigner d’autres. C’est bien l’enjeu de cette période préliminaire : tenter d’imposer son « terrain ». En la matière le Président sortant prend les devants, reste à savoir si ceux qui s’opposent le suivront ou imposeront un autre exercice, sur des sujets sensiblement différents mais qui ne laisseraient pas insensibles nos concitoyens.
C’est semble-t-il le chemin que s’efforce d’emprunter François Hollande. Il balaie rapidement un “Sarkozysme” pour lui terminé et propose “son rêve” pour la France, pour les jeunes, avec des fomulations nouvelles, la recherche d’un autre langage : “être riche n’est pas un pêché mais il faut être digne”[…]”ce qui compte c’est comment nous allons vivre” et non “comment nous allons vieillir”[…] “la France est le pays le plus jeune d’Europe” “la jeunesse n’est pas un thème de circonstance !” …
La crise aurait dû porter le pays vers l’extérieur et vers l’avant. Il se passe l’inverse. Les discours, les annonces, les projets sont franchouillards et régressifs. Les deux extrêmes, de droite et de gauche, imposent leurs idées, leur terrain plus ou moins démagogique, certains diront « populiste » C’est aussi en faisant « rêver » qu’une élection se gagne. Sarkozy aura les plus extrêmes difficultés à incarner à nouveau ce « rêve », mission presque impossible pour un sortant. Il essaye d’attirer ses adversaires sur un autre terrain, celui de la gestion des réalités. Arrivera-t-il à les coincer dans cette impasse ? C’est tout l’enjeu de la pré-campagne