Magazine Société

Persiflages

Publié le 28 avril 2011 par Toulouseweb
PersiflagesAF 447 : et revoici la théorie du complot !
En 25 ans, on croyait avoir tout vu, tout connu, tout entendu. Erreur ! La théorie du complot continue de faire des progrčs, elle s’infiltre, elle se glisse dans le moindre interstice, sournoise, malveillante. La catastrophe de l’AF447 Rio-Paris du 1er juin 2009 n’a évidemment pas échappé ŕ la médisance, au soupçon, aux contre-vérités. Alors que les enquęteurs sont sur le point de mettre la main sur les enregistreurs de vol de l’A330-200, par 3.900 mčtres de fond, voici qu’une nouvelle étape est franchie.
Agissant pour le compte des proches de l’une des 228 victimes, un avocat a déposé une plainte contre X. Il accuse le Bureau d’enquętes et analyses pour la sécurité de l’aviation civile, le BEA, d’avoir fait obstacle ŕ la manifestation de la vérité. On croit ręver ! Si le BEA n’était pas dirigé par des hommes intčgres, corrects et capables de contenir leurs sentiments, sans doute répondraient-ils par une attaque en diffamation. Dire, aujourd’hui, qu’il n’y avait qu’ŕ chercher l’épave du biréacteur lŕ oů elle se trouvait, et pas ailleurs, et cela Ťpour des raisons inexpliquéesť, revient ŕ se moquer du monde. Pire, ŕ faire naître le soupçon, ŕ relancer la théorie du complot, ŕ ramener la communauté de la sécurité aérienne ŕ la case départ, celle des inepties, des conspirations occultes, de la malveillance.
Cette Ť entrave ŕ la manifestation de la vérité ť mérite tout au plus un grand éclat de rire, malgré la gravité du sujet. Bien entendu, pour les spécialistes qui maîtrisent ce qu’il est convenu d’appeler le syndrome d’Habsheim, ce cheminement chaotique du dossier de l’AF447 a malheureusement un air de déjŕ vu. On a lu, il y a peu, que les nombreux mois qui se sont écoulés depuis le crash du 1er juin 2009 auraient donné tout le temps ŕ des comploteurs pour récupérer discrčtement les enregistreurs de bord de l’A330 et de les remplacer par d’autres comportant des données politiquement acceptables. Cela, bien sűr, pour le plus grand bien d’Air France, d’Airbus, de la balance commerciale française, et pour l’honneur de tous ceux qui pourraient pu ętre accusés de manquements.
Le sujet tient de la quadrature du cercle, notamment pour ce qui est de son volet médiatique. Tout journaliste se risquant ŕ défendre l’honnęteté du BEA, de ses enquęteurs, la qualité de leur expérience, leur volonté d’aboutir, est aussitôt accusé d’ętre Ť vendu ť. C’est, bien sűr, notre cas ! Il est évidemment beaucoup plus impressionnant, plus vendeur, de se poser en défenseur de la veuve et de l’orphelin, d’émettre des doutes sur le Ťsystčmeť, de s’interroger sur l’indépendance du BEA. Succčs garanti !
On navigue, de ce fait, en eaux troubles, en marge de sociétés secrčtes, de conspirations indicibles, de complots auxquels il ne manque que la participation discrčte de quelques extra-terrestres, le tout répondant ŕ un besoin inavouable des foules, de l’opinion publique, d’assouvir de mauvais instincts.
Nous étions persuadés de parler de sécurité aérienne et nous voici précipités dans une mauvaise parodie du Da Vinci Code, avec le talent en moins. Tout au plus peut-on se consoler en constatant qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil : les connaisseurs rappellent que la révolution française ne serait pas née d’un mouvement populaire mais d’une conspiration antichrétienne, l’assassinat de John Kennedy serait le résultat d’une vaste conspiration, l’affaire Roswell aurait été étouffée juste ŕ temps. Et que dire des attaques terroristes du 11 septembre 2001 ? Ourdies de l’intérieur, bien entendu !
Un avocat qui cherche ŕ se faire connaître, qui ręve de rejoindre un jour le club fermé des ténors du barreau, n’a pas le droit de jouer ce jeu-lŕ, de se risquer sur la pente glissante de l’accusation gratuite. Oů sont les faits ? Oů sont les preuves ? A quoi joue-t-on ? A se moquer du monde, ŕ créer un climat détestable de suspicion, ŕ donner de faux espoirs ŕ des familles endeuillées. Mais, aprčs tout, quels faux espoirs ? Les 228 victimes de l’AF447 ne reviendront évidemment pas et le goűt du secret, dénoncé ŕ coup de persiflages mesquins, finira par ridiculiser ceux qui l’ont inventé. Soudainement, on le comprend mieux, c’est la raison et la décence qui font cruellement défaut.
Pierre Sparaco - AeroMorning
Notre illustration : la coiffe du DFDR (Digital Flight Data Recorder) de l’A330 a été retrouvée, vide (doc. BEA).

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Toulouseweb 7297 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine