Primé à Gérardmer 2011, ce Bedevilled (rebaptisé Blood Island – titre déja pris, mais plus simple) nous vient de Corée du Sud, pays pas maladroit pour nous sortir de vrais films dérangeants. Notamment les Park Chan-wook. Si visiblement on tente de nous imposer une nouvelle purge vengeresse sanglante, c’est en cédant à la mode de nous présenter avant les protagonistes en bonne et due forme.
Jeune citadine témoin d’une agression, Hae-won s’éloigne de la ville, et revient sur l’île de ses vacances de jeunesse, où elle retrouve sa meilleure amie, désormais asservie par un mari violent et pervers, entourée d’une communauté refermée sur elle-même. Ne pouvant se résoudre à aider la jeune femme à s’échapper, Hae-won voit alors la situation se renverser.. dramatiquement. Drame psychologique ou film d’horreur tranchant, on ne sait trop. La nouvelle habitude du cinéma d’horreur est de souvent sacrifié la moitié du film à faire monter une fausse tension, pour ensuite charcuter sans briller les protagonistes idiots. Une recette éculée, mais recyclée à chaque bande. Sauf quand on a à la barre un vrai réalisateur. Et ce pourrait être le cas ici ; on assiste durant 45 minutes à une lente explication du chaos sociale de la communauté isolée, des humiliations vécues par la jeune femme, des sévices de son mari, de la pression psychologique et physique subie. Et puis vient le basculement, et le déferlement de violence qui suit. La deuxième partie est plus de l’ordre du slasher, toujours visuellement travaillé avec minutie, on en prendrait presque plaisir à voir la victime se retourner contre ses bourreaux. L’héroïne est alors seule témoin des scènes, jusqu’à un final en rajoutant encore dans les effets.
Bedevilled est donc très déséquilibré dans sa construction, malgré tous les talents réunis. Loin de la moyenne piteuse du cinéma occidental du même genre, ce Blood Island aurait mérité de basculer d’un côté ou de l’autre (foncièrement dramatique, ou frontalement gore) dès le départ, pour ne pas offrir cette impression d’hésitation. Chaque partie est particulièrement bien travaillée, mais l’une et l’autre se détachent trop pour offrir une unité de ton. Dommage, tout cela est très prometteur. Les belles lumières, l’environnement et les choses à en dire derrière tout ça pourrait être plus détaillé, s’il n’y avait pas ce schisme flagrant en plein milieu. Une oeuvre déconstruite, étrange, qui malheureusement passe après bien des films et des idées déjà vues, et pour le coup mieux défini.