Une histoire édifiante sur la façon dont fonctionne le système industriel. Source : l'excellent blog "Planète sans visa" du non moins excellent Fabrice Nicolino
J’ai une petite maison quelque part. Avec de l’eau au robinet qui provient du vallon au-dessous. Une simple pompe la fait remonter au-dessus du hameau et remplit un réservoir enterré qui, par gravitation, abreuve les habitants du lieu, dont moi. C’est parfait, sauf que non. Nous pourrions, nous devrions nous passer de tout intermédiaire, et boire l’eau que la vie nous apporte gratuitement sans nous demander notre identité (et notre numéro de compte bancaire).
Mais une compagnie privée est passée par là. A bâti un minuscule bâtiment. Installé des compteurs individuels. Et l’eau est devenue imbuvable, pour moi en tout cas, car elle est surchargée en chlore. Mais surchargée ! Pourquoi ? À cause de consignes nationales liées au plan Vigipirate. Je le jure. L’homme qui vient ajouter du chlore dans notre eau à nous, et que l’on paie pour cela, a expliqué qu’il était contraint de doubler - ou tripler ? - la dose de chlore. Au cas où Al-Qaida viendrait s’attaquer, avec sa fourberie coutumière, à ce vallon perdu. Et ce n’est pas tout.
La compagnie privée que je payais jusqu’ici pour mettre des surdoses de chlore dans mon eau a disparu sans prévenir. Elle était de taille régionale. Un beau jour récent, j’ai reçu des factures signées Veolia. C’était le grand saut dans le monde des transnationales.Veolia avait racheté. Un peu plus tard, j’ai reçu une lettre m’informant que mon compteur, qui marchait excellemment bien, venait d’être changé sans que cela me coûte un centime d’euro. Comme il est sur la rue du hameau, l’opération s’était faite en mon absence. Mais, me précisait la lettre, tout cela était gratuit. Gratuit, donc mystérieux.
Je crois désormais disposer de l’explication. Car là où j’habite en ville, un employé d’une société sous-traitante de GDF vient de passer me voir. Un lettre, que j’avais totalement oubliée, m’avait en effet prévenu de sa visite. Et que voulait-il ? Changer mon compteur à gaz. Gratuitement. Et pourquoi ? Parce que les compteurs doivent être changés tous les vingt ans. Et pourquoi ? Ah, bé, ben, l’employé était embarrassé. Comme je lui arrachais les mots de la bouche, il m’a finalement raconté la vérité. Et la vérité est que, peu à peu, les compteurs tournent moins vite. Beaucoup ? Je pense : un tout petit peu. Ce qui veut dire que le profit baisse, inéluctablement. Et ce qui vaut pour le gaz doit valoir, de même, pour l’eau.
On jette donc des compteurs en parfait état, faits de matières premières hautement précieuses, on en installe de nouveaux, qui utilisent à nouveau des matériaux plus ou moins rares. Et gonflent alors les stock-options. Et grimpent avec les bénéfices et les dividendes. Pour ma part, j’ai refusé tout net le changement de mon compteur à gaz, et continuerai de refuser tant que la police d’État ne sera pas venue, accompagnée par le Raid et le GIGN. Je vous en avais prévenu, c’est une historiette.
PS ignoble : Veolia est partenaire de France Nature Environnement (FNE), ce que je dénonce, entre autres, dans Qui a tué l’écologie ?
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