Mardi 26 avril, Nicolas Sarkozy a rencontré son vieil ami Silvio Berlusconi. Son confrère transalpin lui cause quelques
soucis depuis la révolution tunisienne. Les autorités italiennes ont préféré attribuer un visa touristique de quelques mois aux quelques 20.000 immigrés tunisiens débarqués sur leurs côtes depuis
janvier. La France voisine tente, depuis, de tout faire pour empêcher les dits Tunisiens d'arriver sur son sol, malgré la soudaine légalité de leur situation.
Le sommet a duré moins de deux heures. Il fallait cette mise en scène pour insister sur l'importance d'un courrier adressé le
jour même à l'Union européenne.
Souci franco-italien ?
La presse italienne évoque aussi des problèmes d'égo
transalpin. Certaines acquisitions par des groupes français de joyaux italiens auraient durci le contexte. Berlusconi apprécierait peu la légèreté avec laquelle il est considéré dans la conduite
des affaires européennes. Depuis la crise financière de l'automne 2008, le couple franco-allemand s'est ressoudé. Et les mésaventures extra-conjugales et autres scandales sexuels du premier
italien ne font pas envie.
Mais la grande affaire était migratoire. Il fallait faire mousser
l'opération.
L'attitude italienne était initialement mesquine. La réaction française fut incompréhensible. Silvio Berlusconi, grand ami du
colonel Kadhafi, n'avait sans doute pas apprécié la riposte occidentale contre les massacres de civils. Or , justement, quelques 300.000 Libyens se sont réfugiés dans la Tunisie voisine. Et
quelques dizaines de milliers de Tunisiens sont partis à leur tour pour les côtes européennes...
L'Europe ne s'est pas beaucoup bougée pour seconder l'Italie. Mais l'Allemagne, rappelait pourtant le Figaro, a connu bien pire afflux soudain. Pour Berlusconi,
l'occasion était trop belle. Avec ses visas, il se débarrasse d'un problème. Lundi, quelques heures avant le sommet, le gouvernement italien annonçait qu'il participerait à son tour aux attaques
aériennes contre la Libye.
Politique intérieure française
En France, le gouvernement Sarkozy est tout entier concentré à instrumentaliser au mieux la question migratoire. Candidat à
sa réélection, Nicolas Sarkozy cherche à contrer la résurgence du Front national, boosté par l'image
prétendument sociale de sa nouvelle présidente.
Après le débat sur l'identité nationale (novembre 2009), puis le discours de Grenoble (juillet 2010), la chasse aux Roms (été
2010), le débat UMP sur l'islam (mars 2011), Claude Guéant devenu ministre immigration/sécurité fait feu de tout bois. Quelque 20.000 clandestins tunisiens en rade italienne suffisent à de belles
déclaration anxiogènes. Guéant s'était rendu à Rome la semaine dernière. Il avait fait bloquer quelques heures un train de Vintimille aux frontières françaises.
Depuis 4 jours, la Sarkofrance a également repris un refrain entonné voici 3 semaines par Marine Le Pen : il faut suspendre les accords de Schengen. La situation serait grave. Dimanche,
Laurent Wauquiez puis Henri Guaino ont clarifié les propos.
Mardi, le terrain était donc propice au retentissement maximal de la
rencontre Sarkozy-Berlusconi. On nous annonçait même une initiative commune. Tout était prêt. Même le courrier tant promis à l'adresse des autorités européennes avait été préparé à l'avance. Mais
le Monarque Nicolas se devait de prendre son Airbus national pour rejoindre son homologue Silvio. Il fallait un peu de cérémonial pour se donner de l'importance... Les deux « boiteux »,
comme les qualifia le journaliste italien Alberto Toscano mardi matin sur France Inter, avaient bien besoin
de cela.
Un sommet fantoche
A l'issue de leur entretien de quelques minutes, les deux hommes ont publiquement proposé une révision de la procédure de
sauvegarde. Sans en dévoiler trop précisément la teneur, ils ont annoncé avoir écrit au Président de la Commission Européenne, José-Manuel Barroso en ce sens. Les deux hommes, Monarques
affaiblis, chacun « boiteux » dans leur propre pays, s'affichèrent côte à côte, pendant 47 minutes de conférence de presse commune.
« Je peux le dire sans crainte... Il s'est agit d'un sommet très positif » a commencé Berlusconi. Il a relativisé
son « revirement » libyen, rappelant que l'Italie fournissait déjà ses bases aériennes pour les attaques occidentales. Sarkozy avait le visage crispé, les yeux souvent fermés pendant les
10 premières minutes de monologue de son voisin. Le séducteur italien a surtout insisté sur la situation migratoire: « les pays de la rive Sud de l'Europe ne doivent pas être laissés seuls
quand des phénomènes d'immigration massive se produisent.»
Sarkozy s'est voulu conciliant : « on a évoqué les problèmes qu'il y a entre nous. Et qu'est-ce qu'on a constaté ? Qu'il
y a des des solutions à tous ces problèmes.» La vie est belle ! Les solutions, les deux boiteux les ont trouvé sur le dos de l'Europe. Facile, non ? « D'abord sur la Libye... nous nous
réjouissons de la décision de l'Italie d'envoyer ses avions. Nous avons besoin de la participation de l'Italie. » Sur les révolutions arabes, qui patinent en Syrie comme en Libye, le
ralliement, tardif, de l'occident européen, est « historique » a insisté Sarkozy. « C'est un tournant majeur de la politique étrangère de notre pays. » Il a raison. C'est peu de
le dire. Il y a 3 mois, la Sarkofrance proposait encore ses bombes lacrymogènes au régime Ben Ali en Tunisie...
« Qui gère Schengen? » s'est aussi exclamé le Monarque français devant les journalistes. « Les ministres de
l'Intérieur ? Pardon de poser cette question... » Il a réclamé « une évaluation commune de la situation, le renforcement de Frontex, l'échange de bonnes pratiques.» L'échange de
bonnes pratiques ? On se souvient du savoir-faire français, proposé par Michèle Alliot-Marie en Tunisie.
Quelques heures plus tard, la fameuse lettre adressée à Barroso et Van Rompuy était
enfin dévoilée. Les diplomates français et italiens étaient à l'oeuvre depuis des jours.
Qu'y lit-on ? Pas grand chose de concret mais beaucoup de belles déclarations. Les deux réclament ainsi (1) de conforter les
mécanismes de solidarité financière à l’égard de ces Etats, (2) la création d'un régime d’asile européen commun, (3) une harmonisation des politiques d'accueil, (4) un renforcement de
l'agence Frontex afin qu'elle puisse ouvrir un bureau en Méditerranée et qu'elle devienne « le noyau d’un système européen de garde-frontières ».
Sur la révision des accords de Schengen, les deux présidents usent d'une formulation bien technocratique. Lisez plutôt : «
elle doit être fondée sur des exigences plus strictes et des outils plus efficaces afin de parvenir à davantage de discipline collective et de cohésion dans les niveaux de protection des
frontières extérieures communes, y compris en vue de l’élargissement de l'espace Schengen. »
Italie à domicile
Autre actualité franco-italienne, Carla Bruni-Sarkozy s'exprime dans les colonnes de Paris Match, daté du 28 avril. Elle
n'accompagnait pas son époux de président à Rome. Selon le nouveau site d'information
Atlantico, elle était restée à Paris pour passer une échographie: « Est-ce déjà l'échographie des trois mois ? Carla Bruni-Sarkozy, l'épouse du président de la République, a en tout cas
été vue mardi matin à Paris, boulevard Saint Germain, dans l'un des centres d'échographie et d'imagerie médicale les plus réputés de la capitale.»
Pour Paris Match, elle ne parle pas de sa grossesse, mais seulement de son « mari » : « Peut-être qu'il sera un jour en
période électorale. Et là, je roulerai évidemment pour lui. Cela doit être clair. Et je suis contente qu'on en parle maintenant.»
Comme un clin d'oeil de l'actualité, les producteurs du film La Conquête, réalisé par Xavier Durringer, sur l'ascension de
Nicolas Sarkozy vers l'Elysée entre 2005 et 2007, ont justement choisi ce
mardi pour dévoiler l'affiche du film. Coïncidence, l'agence anglaise qui a été choisie pour cette réalisation a confié s'être inspirée de celle du film Le Caïman de Nanni Morretti, un film de 2006 sur ... Silvio Berlusconi.
Sarkofrance