François Hollande, la stratégie de la tortue

La politique m'intéresse. Comme citoyen, d'abord – convaincu de la pertinence de cet adage, que si tu ne t'occupes pas de politique, alors c'est la politique qui s'occupera de toi. Comme spectateur du fascinant théâtre qu'elle propose de la comédie humaine. Mais aussi – et, ici, surtout - comme professionnel des dynamiques collectives et du leadership (et occasionnellement coach de responsables politiques).

Par curiosité, je suis allé assister, hier, au premier meeting de campagne de François Hollande. La salle choisie pour cette occasion avait reçu, avant 1981, un autre Francois, dans sa conquête de l'Elysée. Les symboles, en politique, ce n'est pas rien : la tentative de s'inscrire dans une histoire, et de fédérer son camp autour de quelques talismans.

J'observe que, depuis plus d'un an qu'il s'est lancé dans la course, Francois Hollande a choisi la "stratégie de la tortue". Se mettre en route dès que possible, parce que l'objectif est lointain, et qu'il faut quoiqu'il arrive beaucoup de persévérance et de régularité sur le chemin pour espérer l'atteindre. Ne pas craindre de demeurer sous les radars médiatiques. Travailler le "terrain", semer, patiemment, dans les petites communes, dans les salles des Fêtes. Il commence à récolter quelques fruits de son effort.

Il y a peu, on évoquait sa candidature avec des haussements d'épaules. Hollande, l'ex de Ségolène ? L'homme des synthèses molles ? Celui qui, bien que secrétaire général du PS, avait réussi en 2007 à se faire doubler par tous les autres leaders socialistes ?

Aujourd'hui que son nom suscite quelques frémissements sondagiers, il fait moins rire. 

Hollande dispose d'un atout important : un vrai plan stratégique. Ce n'est pas si fréquent. Il a choisi son tempo, dès le début. Un jardinage patient de la France électorale. La course de fond plutôt que le sprint. Il a, aussi, choisi un positionnement : l'anti-Sarkozy. Je ne dis pas l'anto-sarkozysme (aujourd'hui cette pratique ne permettrait à personne de se distinguer). Sa critique de l'homme Sarkozy est relativement modérée. En revanche, Hollande fait miroiter la perspective d'un président "normal", maître de ses nerfs, capable de porter un projet avec constance, sans changer de pied au premier vent. L'antithèse de l'hôte actuel de l'Elysée.

Son point fort n'est pas le charisme ? Il s'appuie sur les particularités qui font sa différence. Une proximité naturelle avec les gens, un ego sans enflure excessive, une habileté dans les rapports de force qui lui permit d'éviter l'explosion du PS dans les temps difficiles de l'après 21 avril 2002.

Il privilégie le registre "expert, fait dans le sérieux, détaille la réforme fiscale qu'il appelle de ses voeux, égrène diverses mesures techniques, au risque d'ennuyer. Son pari est que le pays voudra, après les montagnes russes émotionnelles enfourchées par le Tartarin de l'Elysée, un peu de repos, de tranquillité, de visibilité. Alors, au galop, il préfère le pas - et il s'y tient, ce qui est sage. Il ne se contente pas d'annoncer : il incarne cette besogneuse tranquillité, à travers la forme même de sa campagne. 

Hollande applique ici – et pour le moment, avec une réelle efficacité - une vertu essentielle du leadership : la cohérence. Tel il fait campagne, tel il entend présider. On n'est pas obligé d'être séduit, mais on doit reconnaître une congruence à la ligne claire qu'il dessine peu à peu.

Il a réussi le moment si délicat qu'est l'impulsion initiale, l'entrée dans la compétition. La preuve ? Dominique Strauss-Kahn, l'hyper-favori des sondages, est contrarié. Tel le lièvre de la fable, DSK, sûr de son fait, envisageait de faire une entrée tardive dans la compétition, pour se contenter de produire son effort dans le sprint final. Le voilà contraint de hâter son arrivée dans la campagne. C'est son rival qui impose le rythme.

Il faut se méfier des tortues.