Chaque mois, les chiffres du chômage suscitent la polémique : chiffres bidouillés, chômeurs non comptabilisés, d'autres radiés sans sommation, etc. Par contre, personne ne conteste l'émergence du "précariat"...
Selon le sociologue Robert castel :
« il est peut-être temps aujourd’hui de commencer à repenser la précarité. On a eu souvent tendance à se la représenter comme une situation atypique, plus ou moins marginale par rapport au marché régulier du travail, et le plus souvent provisoire. La précarité serait alors une étape dans un parcours professionnel. Mais si elle était en train de devenir un état ? ... Elle devient un régime de croisière, ou une condition permanente, ou un registre "régulier" de l’organisation du travail. »
Jusqu'aux années 80, le salariat était la norme générale, aujourd'hui c'est le précariat...
L'insécurité sociale frappe tous les citoyen-ne-s, diplômés ou pas, salariés en cdd, cdd, intérimaires, étudiants, stagiaires, chômeurs, retraités, et même fonctionnaires... Sans oublier les victimes de l'évaluation en milieu de travail préalable au recrutement (EMTPR) !
Là où le salariat avait permis d'équilibrer plus ou moins le rapport de forces Capital-Travail, le précariat est synonyme de domination du Capital avec l'accroissement des inégalités sociales et de l'insécurité sociale générale. Il frappe et est susceptible de frapper toutes les catégories socio-professionnelles, tous les âges, tous les actifs diplômés ou non, salariés, chômeurs, retraités, étudiants, et même fonctionnaires !
Le précariat résulte du capitalisme néo-libéral qui institue la concurrence comme valeur suprême et indépassable dans tous les domaines de la vie : casse des services publics, licenciements, délocalisations, contrats "aidés", dumping social au profit du patronat et de l'oligarchie.
La concurrence fait l'objet de toutes les attentions des institutions, en l'occurrence l'Union européenne, au détriment de la question sociale. Toute proposition visant à instituer des règles redistributives ou régulatrices pour préserver le social est systématiquement combattue avec acharnement par la droite et le patronat.
Le précariat, c'est aussi la division, l'éparpillement, le chacun pour soi, la solitude, le renfermement... Autant de caractéristiques qui sont exploitées par les représentants du capital pour braquer les uns contre les immigrés, les autres contre les chômeurs, à l'instar de notre grand dirigeant, le président Sarkozy :
«Puisque nous commençons à sortir de la crise, il va falloir faire des contrôles (...)plus précis et plus exigeants pour les chômeurs qui bénéficient d’allocations et qui refuseraient des offres d’emploi disponibles. (...) C’est un problème de justice, de justice sociale envers les salariés et les ouvriers qui travaillent dur »[1]
Par contre, que des "grands" patrons gagnent en moyenne 150 SMIC et s'auto-attribuent des augmentations de salaires et d'autres avantages sonnants et trébuchants" n'indigne pas l'omniprésident des riches !
«Le total des salaires des patrons du CAC atteint cette année plus de 98,3 millions d'euros, soit une moyenne de 2,46 millions d'euros par dirigeant et 24 % de plus qu'en 2009 (...)»[2]
Aussi, nous ne pouvons que relayer l'appel à la fête des précaires et du pissenlit :
« Le samedi 30 avril 2011, comme chaque fin de mois, ça fera déjà dix jours que nous serons à découvert. Nous sommes salarié-e-s au SMIC, en CDD, en intérim, à temps partiel, en Contrat Unique d’Insertion, stagiaires de longue durée à 30% du SMIC, bac + 5 en Service Civique à 540€ par mois, auto-entrepreneurs, pigistes, intermittents, chômeurs en intérim, travailleuses au black au RSA, travailleurs au black, jeunes n’ayant pas droit au RSA, saisonniers, étudiants-salariés… Nous galérons pour trouver un emploi et un logement, pour payer le loyer. Nous galérons pour remplir le caddie chez ED.»(...)
«Privés de stabilité et soumis à la flexibilité, notre avenir est hypothéqué. “C’était mieux Avant”, on finit par le croire. Parce que nous refusons cette fatalité, nous ne nous laissons pas abattre par ce manque de perspective. Nous sommes des millions ! On se croise tous les jours dans la rue, dans le métro, au boulot, dans les facs, à Pôle Emploi ou à la CAF, ou à l’heure de l’apéro. Nous sommes éparpillé-e-s et isolé-e-s. Le samedi 30 avril, rassemblons-nous.»
« Le samedi 30 avril, rassemblons-nous. A défaut de se payer notre brin de muguet du 1er mai, célébrons le pissenlit pour ne pas le manger par la racine. Avant la fête des travailleurs, retrouvons-nous pour la journée du Pissenlit, fête des précaires. Ce jour là, rendons nos galères visibles. Quelles que soient vos convictions, vos revendications, votre situation, rejoignez nous. En écho à l’énorme mobilisation des précaires portugais le 12 mars, nous vous donnons rendez-vous à Paris tout au long de la rue de Lisbonne, pour un défilé festif, pacifique et non-partisan contre la précarité.»[3]
A samedi ! N'oublions pas que la révolution en Tunisie a été déclenchée par un jeune précaire désespéré...
Sur le même sujet :
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- L'appel et la poche - Précaires de tous les pays…
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Notes
[1] 20 minutes - Sarkozy : «Il va falloir faire des contrôles plus exigeants pour les chômeurs»
[2] Les échos - Salaires des patrons du CAC 40 : le palmarès 2011
[3] Parti de gauche - fête du pissenlit