Dans un joyeux fourre-tout plus ou moins inspiré, mais souvent drôle, prenant la forme d'une revue, Stéphanie Tesson orchestre le défilé d'une galerie de personnages hauts en couleurs, tantôt archétypes légèrement détraqués de notre société (SDF, star, professeur, paparazzo...), tantôt totalement issus de son imagination fertile (la dernière fleur de la planète, Jésus 2, un acteur-phoque...). Tous évoquent, à travers de nombreuses allégories, le monde dans lequel nous vivons, ses dysfonctionnements, et s'interrogent sur son devenir.
Si certains caractères assez grossièrement dessinés tiennent des propos parfois maladroits, peinant à dépasser les clichés (la star est forcément superficielle, le clochard plein de bon sens voit forcément la vie comme il faut la voir...), c'est lorsque l'auteur-metteur en scène prend la direction d'un absurde et d'une poésie indirectement chargés de sens qu'elle donne le meilleur d'elle même.
Ainsi avons-nous adoré le joli monologue de la fleur, ultime rescapée du monde végétal, qui nous parle d'un temps que l'auditoire semble n'avoir jamais connu (celui où le gazon, entre autres, n'était pas synthétique). Pas mal non plus la mort qui apparait sous les traits d'une petite marchande de glaces aux vertus radicales... qui finira par tuer Le Temps (autre personnage) en lui vendant une de ses friandises , ou encore cet irrésistible échange sur l'Art entre une statue classique et une sculpture moderne. Des séquences réjouissantes !
L'écriture de cette "Revue d'un monde en vrac", est donc inégale, mais l'interprétation des six comédiens est impeccable. Soulignons en particulier l'extraordinaire faculté de Brock à passer d'un personnage à un autre. Ses compositions à la fois clownesques et d'une grande sincérité nous ont saisis et charmés.
Vous l'aurez compris, l'ensemble, non sans défaut, n'est toutefois pas dénué d'intérêt, et en cette fin de saison propice aux découvertes, on ne s'interdira pas de prendre la direction du Théâtre 13.
Pourquoi pas ?