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On se souvient qu’il s’était immédiatement rallié au Général de Gaulle.
Mais, même si les responsables français de l’Inde, tous fonctionnaires étaient proches des anglais, il leur a été demandé très tôt de se prononcer. Nous avons trouvé ce texte qui est le procès-verbal d’une réunion tenue en septembre 1940 par Louis Bonvin.
Le compte-rendu de cette réunion montre la difficulté de la situation dans laquelle ces fonctionnaires se sont trouvés ; et on peut saluer l’attitude claire mais compréhensive de Louis Bonvin.
PROCÈS-VERBAL
L'an mil neuf cent quarante, le samedi sept septembre à dix heures du matin, se sont réunis dans le bureau du Gouverneur des Etablissements français à Pondichéry tous les chefs de service, les élus, et les notables de la ville. Tous avaient été convoqués individuellement par le Chef de la colonie pour entendre une communication très importante.
A dix heures, tout le monde étant présent, le Gouverneur Louis Bonvin ouvre la séance et procède à la lecture d'une lettre à lui envoyée par le Consul général de Sa Majesté britannique et dans laquelle le Gouvernement britannique invite le Gouverneur à se prononcer sur l'attitude qu'il compte prendre vis-à-vis du Général de Gaulle ou du Maréchal Pétain.
Après la lecture de ce message, le Gouverneur prononce une courte allocution. Il déclare que devant cette mise en demeure, sa décision est prise. Il se range ouvertement aux côtés du Général de Gaulle. Son geste est dicté pour éviter à l'Inde française une mainmise de son puissant voisin sur son territoire et apporter l'aide indispensable à la vie économique et financière de la Colonie, et même à la vie tout court de ses habitants.
Il a foi en la victoire finale de la Grande-Bretagne, qui libérera la France de l'oppression allemande.
Son geste n'engage que lui. Que ceux qui ne veulent pas le suivre le disent en toute liberté. Il ne leur sera fait aucune contrainte et ils pourront regagner la France ou l'Indochine à leur convenance.
Il demande à tous de se prononcer en Français libres et les invite à prendre la parole.
Monsieur Callard, Directeur de la Banque d'Indochine, se range à la décision du Gouverneur et déclare que se prononcer en faveur du Général de Gaulle signifie vouloir le relèvement futur de la France. Il ajoute également que l'intérêt de sa banque est dans une collaboration étroite avec la Grande-Bretagne. Si les fonds de son établissement sont bloqués à Londres et dans l'Inde britannique les billets de la B.I. ne vaudront plus rien.
Monsieur Laudrin, Trésorier-Payeur, dit que cette affaire étant politique, il ne peut, en tant que fonctionnaire, se prononcer. Il est fonctionnaire français et le restera.
Me David, Président de la Commission Coloniale, se lève à son tour et déclare qu'il veut collaborer étroitement avec les autorités britanniques mais qu'on ne connaît pas ou peu le Général de Gaulle. Nous voulons, dit-il, rester en rapports amicaux et étroits avec nos voisins britanniques parce que nos intérêts matériels et moraux sont autant dans l'Inde française que dans l'Inde britannique. Nous préférerons recevoir directement du Gouvernement britannique des instructions plutôt que de les recevoir du Général de Gaulle.
Monsieur Jouveau-Dubreuil, professeur au Collège et qui représente M. Delemar, Chef de l'Instruction publique en congé, s'inquiète de savoir, en tant que soldat de réserve, la position de son Chef militaire, le capitaine Petignot.
Le capitaine Petignot lui répond qu'en tant que militaire de gendarmerie, il est lié par le serment d'obéir à ses chefs, que le Gouverneur étant son Chef immédiat, il lui obéira.
Le Gouverneur reprend la parole. Il déclare que, si l'Indochine était attaquée par le Japon, il mettrait tous les hommes disponibles et les ressources de l'Inde française à la disposition de cette Colonie. Et ceci en plein accord avec le Consul Général britannique.
En ce qui concerne les usines, le Gouverneur ne cache pas aux industriels présents à la séance : MM. Valot et Ehny, que du fait du ralliement de l'Inde française au Général de Gaulle, les marchés de Madagascar, Indochine et A.O.F. risquent d'être perdus pour les exportations de textiles ce qui ne modifie en rien les faits présents. Reste le marché intérieur de l'Inde britannique disponible pour les usines de Pondichéry par suite de l'établissement éventuel de la douane maritime anglaise, dans les ports français de l'Inde. Là encore, il y aura de grosses difficultés parce que les toiles tissées à Pondichéry ne peuvent satisfaire la clientèle hindoue. Ce sont presque tous les pagnes destinés à la clientèle africaine moins raffinée. Il faudrait de ce fait modifier le matériel. Néanmoins les Anglais ont promis de faire leur possible pour que les usines travaillent au moins au ralenti ; le trafic maritime sera rétabli sur l'Indochine.
Monsieur Ehny, Directeur de l'usine de Modéliarpeth, est en faveur de la douane maritime, mais espère que cela sera provisoire et qu'après les hostilités, on reviendra au statu quo. Le Gouverneur lui répond que la douane serait évidemment à titre provisoire et que les industriels reprendraient leurs anciens marchés après la guerre.
Monsieur Verdoni, Chef du Service des Contributions, s'inquiète de savoir ce qu'il adviendra des fonctionnaires qui ne voudraient pas suivre le Gouverneur. Pourront-ils revenir en France librement ? Le Gouverneur lui répond que, dans son allocution de début, il a traité la question. Chacun de vous, dit-il, peut se prononcer en Français libre. Ceux qui veulent regagner la France ou l'Indochine pourront le faire en toute liberté et sans qu'aucune contrainte ne leur soit imposée.
Me David demande s'il y aura des touchées de bateau à Pondy. Le Gouverneur lui répond affirmativement. Un bateau de la British India Company est attendu prochainement dans notre port.
Me David s'inquiète de savoir si l'Inde française participera à la guerre aux côtés du Général de Gaulle. Faudra-t-il envoyer en Angleterre des hommes et de l'argent ?
Non, répond le Gouverneur, je ne le pense pas, excepté pour l'Indochine, bien entendu. D'ailleurs le Général de Gaulle ne fait appel qu'aux volontaires, et l'Angleterre n'a pas établi la conscription en Inde à ce que je sache. Elle en est même bien éloignée.
Me Gnanou Ambroise voudrait savoir si le gouvernement local relève désormais du Général de Gaulle. Pourra-t-il nous forcer à la mobilisation en sa faveur. Non, répond le Gouverneur, je vous ai déjà répondu à ce sujet. Me Gnanou Ambroise se déclare partisan d'une collaboration avec l'Inde britannique mais pas avec le Général de Gaulle qu'il ne connaît pas.
Monsieur Collard fait observer que le Général de Gaulle n'a pas formé un Gouvernement mais un Comité français qui s'adresse uniquement aux volontaires. Il n'émane de lui ni décrets, ni lois mais seulement des directives.
Plus personne ne prenant la parole, le Gouverneur remercie tous ceux qui ont exposé leur point de vue. Il leur demande de bien réfléchir et de prendre leur décision en toute liberté. Il insiste là-dessus. Mon geste, dit-il, n'engage que moi et moi seul en supporterai la responsabilité pleine et entière.
La séance est levée à onze heures un quart.
Fait à Pondichéry, le samedi sept septembre mil neuf cent quarante.
Louis Bonvin
Source :
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