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Eiji Ohtani, un scientifique de Sendai, témoigne

Publié le 27 avril 2011 par Labasoche

SUITE – Eiji Ohtani un scientifique de Sendai témoigne

« Une sécurité insuffisante, même contre des séismes attendus »

Après nous avoir raconté comment il a vécu la catastrophe, Eiji Ohtani nous livre aujourd’hui son analyse, sans complaisance, de la situation.

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Les conséquences du tsunami sont désastreuses, 26000 morts ou disparus, des réacteurs nucléaires endommagés : n’est-il pas surprenant que le Japon semble moins bien préparé aux tsunamis qu’aux séismes ?

Nous sommes, il est vrai, bien préparés aux séismes en général. Les constructions ont bien résisté et les incendies dévastateurs ont été évités. Le Shinkansen, le train qui lie Tokyo à Sendai et roulant à 300 kilomètres heures s’est bien arrêté automatiquement.

En revanche, la sécurité des réacteurs nucléaires n’était pas suffisante. Et il ne s’agit pas là d’un risque naturel, mais d’une erreur humaine de la part de la compagnie Tepco et du gouvernement, même si, à leur décharge, un tel tsunami n’était pas attendu.

La centrale était prévue pour résister à un tsunami de 5 à 7 mètres de haut, mais le 11 mars il a atteint les 15 mètres. Certes on ne l’avait pas prévu, mais certains scientifiques avaient tout de même alerté d’une possibilité d’un tsunami géant à l’image de celui de Jogan daté de 869 rapporté dans les écrits et confirmé par des études géologiques.

Pourtant, la compagnie Tepco et le comité de sécurité du gouvernement n’en ont pas tenu compte, en raison des coûts exorbitants des protections nécessaires. Nous avons aussi quelques centrales nucléaires en fonctionnement dans d’autres régions, qui à cause des répliques ont des problèmes de ressources en électricité, et ce, sans tsunami. Cela signifie que les règles de sécurité actuelles ne sont pas suffisantes, même contre des séismes attendus !

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Autant que l’on puisse en juger, les problèmes à Fukushima restent très préoccupants, comment gérez vous une telle crise au quotidien?

C’est un problème très important à gérer. Le danger est une pollution de l’air en cas de nouvelle explosion d’hydrogène dans la centrale et de pollution de l’eau à la fois dans le sol et la mer. Nous assurons le suivi du niveau de radioactivité sur le campus de notre université et aidons les antennes locales du gouvernement pour le suivi de la radioactivité dans Sendai.

Nous aidons également les antennes de Miyagi-Ken and Fukushima-Ken à analyser les concentrations d’iode-131 et de césium-134 dans l’eau, le lait, les végétaux et le sol. C’est une contribution très importante pour la communauté locale. Sendai est à environ 150 kilomètres des centrales et nous avons des niveaux de radioactivité proches des niveaux normaux avant les accidents.

Ainsi, s’il n’y a pas de nouvelle explosion d’hydrogène dans les centrales, nous pensons être hors de danger pour le moment. C’est essentiel de suivre la radioactivité dans la partie Est du Japon.

Ces mesures sont réalisées en collaboration avec le gouvernement, et nous pouvons accéder aux données concernant Sendai chaque jour pour vérifier les niveaux de radioactivité. Notre première préoccupation est bien sûr qu’ils parviennent à contrôler les réacteurs. Il leur faut réguler les eaux hautement contaminées et reconstruire un système opérationnel de refroidissement.

Différentes propositions ont été faites, par des spécialistes américains en particulier, pour aider à trouver des solutions. J’espère que le gouvernement va mettre en place une procédure de supervision des travaux des ingénieurs et qu’ils parviendront à éviter de nouvelles explosions.

En tant que géophysicien, vous attendiez vous à un séisme aussi gigantesque à cet endroit ?

Non, nous ne nous étions jamais préparés à un séisme de magnitude 9. Un tel événement aussi énorme n’avait jamais été enregistré.

Les sismologues attendaient un séisme de magnitude 7,5 au large de Miyagi et nous y étions préparés. Nous avons un système d’alerte et nous faisons régulièrement des exercices d’évacuation. Le bâtiment de notre département a été renforcé en conséquence. Mais surtout, nous ne nous attendions pas non plus à un tsunami aussi gigantesque. D’anciens écrits attestent d’un énorme tsunami très comparable à celui-ci, qui aurait eu lieu il y a 1000 ans, mais on ne s’attendait pas ce qu’il se répète de nos jours.

Coté sismologie, des études ont identifié plusieurs segments sismiques actifs : Offshore Iwate, Miyagi, Fukushima, et Ibaraki Ken. Elles montrent que sur ces failles, les séismes ne se sont jamais produits simultanément, mais dans des intervalles de 20 à 50 ans. Or, lors de l’énorme séisme de 11 mars, trois ou quatre segments ont bougé simultanément. La surface de la faille qui a joué atteint 500 kilomètres sur 200. Soit au moins trois à cinq fois celle atteinte lors des plus gros séismes que nous connaissons.

Une telle catastrophe est-elle exclue sur la côte ouest ?

C’est un risque très difficile à prédire. Nous avons eu quelques séismes dans les zones de Tokai, Tonankai, Nankaido mais nous n’avons jamais observé de lien entre eux et nous n’avons pas de données pour évaluer le risque d’un gros séisme. Nous ne pouvons pas pour autant l’écarter…

Le niveau de sécurité contre les séismes mais aussi contre les tsunamis doit donc être augmenté également à l’ouest du pays. Dans le cas présent, plus de 90 % des dommages sont dus au tsunami plus qu’au séisme.

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Le congrès annuel de la Japan Géoscience Union, le plus gros congrès japonais en sciences de la Terre est prévu pour la fin mai : est-il maintenu ?

Oui, nous maintenons cette date. En tant que vice président, je pense que c’est très important, malgré les conditions à risque dans la région de Tohoku. Et ce parce que nous avons besoin d’échanger les nouvelles observations et analyses de ce séisme et de ce tsunami géants, le plus rapidement possible de manière à mieux comprendre la nature de ces risques.

Des sessions d’urgence y seront consacrées ainsi qu’à tous les travaux liés aux phénomènes naturels catastrophiques de ce type. Nous serons peut-être contraints de changer les dates en fonction de la situation de la centrale de Fukushima. Pour l’instant, nous considérons que nous pouvons les maintenir.

Propos recueillis  par « La Recherche ».


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