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La chambre lumineuse ( 4/5 )

Par Montaigne0860

Il sonne, frappe du poing, et lorsqu’elle ouvre la porte :
- Rebonjour! Ah, j’ai un cadeau pour vous !
Il lui tend l’appareil dont il a pris le temps dans le taxi de refermer la sacoche de cuir. Elle fait courir ses yeux de son visage vers l’appareil, interroge sans un mot, n’ose pas bouger, ne tend pas les mains pour prendre l’objet, on dirait une scène au ralenti, songe-t-il ;  le plus naturellement du monde il lui tapote sur l’épaule, l’interroge :
- Qu’ont-ils dit à la police ?
Un bus qui passe couvre sa réponse.
- Je n’ai pas compris. Laissez-moi entrer, je vous prie. Nous avons besoin de calme.
La porte racle comme la sienne et l’idée lui vient que le seul lieu dangereux pour lui est précisément l’appartement où il vient de pénétrer. L’autre va  revenir, enfin, ce n’est pas sûr, il aurait tort, mais bon, on ne sait jamais…
- Il vaudrait mieux pour notre tranquillité que nous allions chez moi, dit-il.
La voix est ferme, c’est moins un ordre qu’une évidence qui lui vient du plus grave de ses cordes vocales. Derrière ses quelques mots, on entend la force du bon droit et il constate avec joie que sa course l’a délivré de toute tension, comme si le corps avait emmagasiné la vie palpitante de l’immense cité et qu’il la lui ramenait toute chaude sous la forme de cet étrange présent.
- Je ne sais pas si… balbutie-t-elle, à moins d’un mètre de lui dans l’étroit corridor qui les rapproche l’un de l’autre.
- Vous venez, dit-il, cela vaut mieux pour nous deux.
Il la saisit par le bras (la peau est douce, il redoute de la froisser de sa poigne décidée), l’entraîne au dehors, elle a juste le temps de saisir sa clef de l’autre main ; lui-même fait glisser sa propre clef dans sa paume et tire la jeune femme derrière lui.
- Venez, venez !
Une fois dans son appartement, il l’assied sur le fauteuil qu’il aime tant lorsque le soir tombe et que le couchant traverse de son ocre les platanes dressés face à la baie. Le salon chambre est envahi de lumière, rien de violent, au contraire, c’est un début d’après-midi que les feuillages flottant de l’autre côté de la rue protègent contre l’été et comme s’il redoutait qu’elle soit encore gênée par le feu tamisé du soleil, il tire lentement un rideau gris.
Il reste debout, à quelques pas, l’appareil trône entre eux deux sur une table basse. Silence : je ne te connais pas, tu ne me connais pas, que faisons-nous là ? songe-t-elle sans doute.    Non, elle attend, le corps penché en avant les avant-bras posés sur ses genoux, mains    jointes ; par instants elle crispe ses doigts qui s’entrecroisent. À l’instant où il va la relancer, elle se lève d’un bond, désigne l’appareil et crie :
- Où avez-vous eu ce truc ?
- Ouvrez-le !
Elle se penche, ouvre la sacoche et observe l’appareil sans oser y poser les doigts.
- C’est le sien ! murmure-t-elle. C’est le sien !
Il lui raconte alors comment il a pu s’emparer de l’appareil, la photo, la pose de la famille devant le horse guard, le vol et la fuite. Pour être tout à fait clair, il lui prend d’un geste précis l’appareil des mains, fait apparaître son visage sur l’écran et le lui tend.
- C’est vous, n’est-ce pas ?


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