Si les TGV roulaient moins vite, l’aérien se porterait mieux.
Il s’agit du parfait exemple de l’information qu’il convient de relire par deux fois pour ętre certain de l’avoir bien comprise : les TGV chinois desservant l’axe Beijing-Shanghai rouleront moins vite que prévu pour ne pas concurrencer outre mesure les compagnies aériennes chinoises. L’idée est tellement simple, susceptible d’ętre appliquée du jour au lendemain sans investissements particuliers, qu’aucun ministre français des Transports n’y avait déjŕ pensé, pas plus, d’ailleurs, que les hauts dirigeants d’Air France. C’est lŕ un curieux manque de discernement, voire la preuve d’un déficit d’audace.
Depuis 30 ans, la SNCF témoigne d’un dynamisme exemplaire dans la commercialisation de ses lignes ŕ grande vitesse. Depuis l’inauguration du Paris-Lyon originel, et avec l’aide de logiciels d’optimisation de la recette moyenne empruntés ŕ l’aérien, le train taille de sacrées croupičres ŕ l’avion, au point que le réseau intérieur d’Air France s’en trouve dangereusement fragilisé. Et affiche apparemment des résultats franchement déficitaires.
Bien sűr, nous ne sommes plus ŕ l’époque bénie d’Air Inter, cas d’école remarquable, compagnie qui était passée maître dans l’examen topologique de ses clients en męme temps que de grilles tarifaires franchement novatrices. Mais, de toute maničre, le cours de l’histoire ne favorise pas l’aérien. Pour atteindre l’aéroport d’Orly, il faut se débattre dans les embouteillages ou tenter l’expérience extręme du voyage en RER, pour se retrouver dans la queue interminable des filtres de sűreté. Une invention diabolique de dangereux paranos, confiée ŕ des gens en uniforme dressés pour la méfiance. Du coup, le temps écoulé porte ŕ porte, de centre ŕ centre, n’est pas plus court que celui proposé par le TGV. Pour autant, bien sűr, que ce dernier soit ponctuel et qu’il ne lui manque pas le moindre câble de cuivre.
Dans ces conditions, plus le TGV gagne de parts de marché, moins bien Air France se porte, situation qui suscite un malaise général. D’oů l’intéręt pour la maničre de faire chinoise, que révčle Aviation Daily : l’exploitant de la ligne ŕ grande vitesse Beijing-Shanghai qui sera inaugurée dans quelques semaines bridera ses trains. Ils pourraient rouler ŕ 350 ou 380 km/h mais n’iront en aucun cas au-delŕ de 300 km/h, de maničre ŕ allonger les temps de parcours pour leur éviter de rivaliser directement avec ceux de l’avion. Il est vrai que la ligne ferroviaire classique, qui datait d’une autre époque affichait un temps de parcours de l’ordre de 14 h, et devait passer du jour au lendemain ŕ 4 h.
L’avantage, quand on fonctionne dans le cadre d’une économie dirigiste, est que les problčmes les plus complexes se simplifient comme par enchantement. Les TGV chinois rouleront donc moins vite et les compagnies aériennes s’en porteront d’autant mieux.
Dčs lors, on se prend ŕ ręver. On imagine Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre des Transports, demandant ŕ Guillaume Pépy, président de la SNCF, d’imposer ŕ ses trains de devenir des TMV, trains ŕ moyenne vitesse. Pierre-Henri Gourgeon, directeur général d’Air France, éprouverait toutes les peines du monde ŕ contenir sa joie. D’autant qu’il souffre depuis un bon moment d’un déficit chronique de bonnes nouvelles.
Pierre Sparaco - AeroMorning