C'est ce qui s'appelle "créer le buzz". Sébastien Chabal, sans doute conseillé par quelques spécialistes de la communication, a très largement défrayé la chronique ces dernières 48 heures.
A quelques jours de la sortie du livre qu'il signe (on ne connait pas l'identité de celui ou celle qui a couché sur le papier la biographie du "sportif le plus populaire de France", dixit l'éditeur), le troisième ligne international a dévoilé quelques extraits de son ouvrage et s'est prêté au jeu de l'interview dans le journal du dimanche. Et le moins qu'on puisse dire est qu'il n'y est pas allé avec le dos de la cuillère.
En quelques mots, Sébastien Chabal résume sa pensée sur les arbitres, "nuls" et fait part de son sentiment sur les protections dont ont selon lui bénéficié l'équipe de Castres et avant elle celle de Biarritz. Le point commun entre ces deux équipes ? Leur président (P.-Y. Revol et S. Blanco) sont ou ont été présidents de la Ligue nationale de rugby. C'est ce qui s'appelle balancer.
Ou cracher dans la soupe. Le rugbyman le mieux payé de France s'érige en père la morale. Il avance mais ne prouve rien. Et nous gratifie de quelques contrevéritées : la Ligue choisirait les arbitres sur des critères peu sportifs pour avantager l'un ou l'autre ? C'est oublier que c'est la Fédération qui désigne les arbitres des rencontres et non la Ligue. Le Biarritz olympique profiterait de poules "faciles" en H Cup, une situation trop belle pour être honnête... C'est faire peu de cas des rapports entre l'ERC et les clubs Français, souvent tendus, et des modes de désignations des poules, fondés sur un classement prenant en compte les résultats des équipes sur plusieurs années.
Bref, Sébastien Chabal accuse mais ne prouve rien.
Mais il a sans doute atteint son but, faire du bruit autour de la parution de son livre. On peut trouver cela normal, à l'ère du rugby professionnel et du "buzz" comme alpha et omega de la communication évenementielle.
On peut aussi trouver assez lamentable cette façon de donner des leçons d'excellence (ce qui suppose d'être soi-même irréprochable, ce qui est loin d'être le cas de l'intéressé) et assez déplacées ces accusations de complot qui touchent à la paranoïa.
Mal conseillé ou pas, Sébastien Chabal n'a pas tout à fait réussi son coup : il a été mis à pied par le Racing devant le tollé que sa sortie a provoqué. La LNR comme la FFR ont demandé des sanctions et la commission de discipline pourrait utiliser contre lui le même article du règlement pour sanctionner l'international que celui qui avait servi à suspendre Pierre Berbizier, l'entraîneur du troisième ligne, pour "atteinte à l'intérêt supérieur du rugby", il y a quelques mois.
Même si le monde du rugby n'est sans doute pas celui des bisounours, et que le niveau de l'arbitrage hexagonal gagnerait à être amélioré, il n'est pas acceptable que celui qui incarne le plus l'ovalie auprès du grand public se laisse aller à de telles accusations. Sébastien Chabal profite au maximum du système. Cela n'est pas criticable. Ce qui l'est, c'est de traîner dans la boue un sport qui l'a fait roi, de surcroît sur des critères qui ne sont pas nécessairement en complet rapport avec sa valeur sportive.
Sébastien Chabal a déjà commencé à faire amende honorable. C'est tant mieux car l'homme vaut très certainement bien mieux que l'image déplorable qu'il a donné de lui dans ce triste épisode. Mais il n'est pas certain que cela suffise à le sortir de l'ornière dans laquelle il s'est mise tout seul. Une ornière dans laquelle Marc Lièvremont, au moment d'annoncer la sélection pour la coupe du monde, pourrait le laisser.