Agen possède une vieille ville que les derniers siècles ont malmenée. Agen s’enorgueillit de façades haussmanniens bordant les larges saignées qu’un 19e siècle peut scrupuleux de l’histoire, a tranché dans son cœur. Deux larges avenues marquent d’une croix sanglante la ville. Le cœur d’Agen s’ouvrait aux flots des véhicules qui, du cheval aux voitures, n’ont cessé depuis d’affluer et d’irriguer la veille ville. La destruction n’était toutefois pas un acte de destruction. Elle ressourçait d’un sang neuf des quartiers qui s’asphyxiaient et tant pis pour les quelques monuments et bâtisses d’une histoire révolue. Et puis, c’était aussi l’occasion de passer dans un acte de vantardise d’un passé toulousain, terre et brique, à celui plus clinquant de la pierre bordelaise. Dommage toutefois que seules les façades affichent ce clinquant, cachant mal la pauvreté des moyens mis en œuvre, éclairant l’orgueil d’une ville qui s’y révèle pédante.
L’histoire se répète, en pire ! Le nouveau projet « Agen cœur battant » veut une nouvelle fois coller à l’actualité, s’adapter au monde moderne, répondre aux attentes d’une époque plus volontariste en matière d’environnement. Les temps changent, aujourd’hui, haro sur l’automobile ! Louable intention, mais piètre dessein. Et surtout projet coûteux pour une réalisation vouée à l’obsolescence par ces choix critiquables. L’interdiction de circulation sur les deux seules voies conçues pour l’automobile est un non-sens, sinon une aberration. Le flot continu des véhicules est dirigé sur les petites ruelles qui bordent les avenues fermées.
Reprenons l’image du cœur imposé par la municipalité. Les cavités cardiaques (nord, sud, est, ouest) ne sont plus irriguées par des veines mais par des veinules qui vont immanquablement scléroser la ville. Ces deux plus grands boulevards possédaient déjà de larges trottoirs qui permettaient aux agenais de se promener. La piétonisation n’y apporte rien de plus sinon de montrer une volonté stupide de rejet de l’automobile. Stupide, car le projet n’apporte rien de plus, sinon un report du problème sur le voisinage des boulevards. En effet, les rues adjacentes sont saturées. J’emprunte, chaque jour, plusieurs fois par jour, la rue Lafayette. Deux piétons ne peuvent s’y croiser. Mon épouse et moi-même ne pouvons y tenir une conversation, devant nous suivre, l’un derrière l’autre, préoccupés par les véhicules qui nous menacent lorsque nous devons laisser le passage à un autre piéton. Quant aux handicapés, tant pis pour eux, qu’ils aillent voir ailleurs si le maire s’y trouve !
Je ne suis pas commerçant et je ne peux juger des apports de cette politique. Mais si le bon sens dont font preuve nos élus, est du même apport, je crains pour leur survie. Comme bon nombre, déjà, ils n’auront plus comme solution viable que de déménager dans ces zones hideuses qui enserrent et étouffent les villes de France… comme dans bon nombre de pays occidentaux où le commerce des grandes surfaces étouffent la civilité, la proximité, les relations humains… la vie ! Nous n’aurons bientôt plus, quelque soit la ville ou nous passons, que les mêmes enseignes, que les mêmes décors, que la même tristesse du formaté. Alors je me promène encore dans ces rues vouées à la mort et me délecte avant leur disparition de ces vitrines si belles.
FANCHON
COTELAC