Lady Gaïa : quand l’écologie perd les pédales
Le 22 avril dernier, c’était la Journée de la Terre, moment palpitant où les écologistes se lancent dans des manifestations de sensibilisation à l’environnement pour nous faire comprendre que nous allons, forcément, à la catastrophe à force de nous obstiner à vouloir vivre mieux et plus longtemps. Cette année cependant, une étape supplémentaire dans la culpabilisation a été allègrement franchie par l’ONU.
Et même si le mois s’y prête, ceci n’est pas un poisson d’avril : de façon parfaitement sérieuse, les Nations Unies ont donc ouvert un débat pour savoir s’il n’était pas nécessaire de définir des droits fondamentaux pour la Terre-Mère.
Tout part d’une idée remarquablement simple et idiote : pourquoi ne pas donner à la Terre une partie des droits de l’Homme décrits dans la déclaration universelle ? Et effectivement, quand on y pense, quel meilleur moyen d’occuper une bande de diplomates désœuvrés que de les faire travailler sur une question aussi futile alors que, dans le même temps, se déroulent des conflits ouverts, que des dictatures sont toujours en place, que de vrais humains n’ont déjà pas accès aux droits fondamentaux que nos joyeux bricoleurs veulent étendre aux Animaux, à la Terre, l’Espace et les petits cailloux en orbite ?
Ainsi donc, on apprend que la Bolivie a réussi à entraîner avec elle un gang de pays — gentiment socialistes — pour demander officiellement que soit établi un système légal pour réguler les droits humains face aux droits inaliénables de tous les autres membres de la communauté terrestre, à savoir les animaux, les plantes et le terrain lui-même.
Oui. Vous avez bien lu : après les droits inaliénables des animaux, celui des plantes et, toujours plus fort, celui des cailloux et des nuages. En effet, la vapeur d’eau, la silice ou l’oxyde de fer ont, eux aussi, des droits fondamentaux, comme celui de se déplacer d’un continent à l’autre, de s’incorporer avec les éléments de leur choix. Voilà voilà. C’est génial.
On entend nettement, à la lecture de ces éléments consternants, les flûtes, les harpes, les fifres et le gazouillis vibrant de centaines de petits oiseaux qui forment une trame sonore capable à elle seule de rendre encore plus dégoulinant une émission des télétubbies ou de déclencher des salves de bisous encore plus gluants chez des Calinours déchaînés.
Vous trouvez que j’exagère un peu ? Je vous encourage à parcourir la déclaration officielle de l’ONU à la suite des débats qui ont eu lieu, puis à vous injecter une bonne giclée de jus de citron dans l’œil pour calmer la douleur : non, il n’y a plus aucune limite à ce que l’argent de millions de contribuables peut produire comme crétineries culpabilisantes, et comme le but ultime de ces foutaises ahurissantes est de soutirer des monceaux d’argent pour financer encore plus de projets ridicules du même tonneau, on comprend qu’une fois la pompe à conneries amorcée, on ne va plus pouvoir l’arrêter.
Ici, on assiste même à un véritable emballement. On lit ainsi que, je cite :
Le représentant de la Bolivie dont le pays est à l’origine de la proclamation du 22 avril comme Journée internationale de la Terre nourricière, s’est dit attristé de constater avec Victor Hugo « que la nature parle et que l’homme n’écoute pas ».
Je ne sais pas si c’est la bêtise qui se dispute ici avec le cynisme, l’ignorance ou le mépris. Il faut être en effet furieusement atteint de cynisme, de bêtise, d’ignorance ou de mépris pour oublier qu’à chaque fois que la Nature chuchote vaguement, non seulement l’Homme est obligé d’écouter, mais il en prend même plein les oreilles.
Le dernier petit rot de la nature, en mars, à fait des milliers de morts au Japon, des centaines de milliers de sans-abris. Les Haïtiens ont encore les tympans qui résonnent des quelques frémissements de la Nature. Une vague hausse de chaleur de quelques degrés au-dessus des moyennes de saison et la France peut s’enorgueillir d’écouter précisément le petit chuintement sinistre de plusieurs dizaine de milliers de ses retraités qui passent l’arme à gauche.
Bref : l’espèce de mythe imbécile qui consiste à croire, encore et encore, que l’Homme représente une menace pour la Nature est à mourir, littéralement, mais pas spécialement de rire. Il participe du même anthropocentrisme ridicule que celui qui place l’Homme au pinacle de la Création, la Terre au centre de l’Univers ou l’intelligence humaine au paroxysme de ce qu’il est possible de faire dans l’univers.
C’est exactement la même absence totale d’humilité qu’on retrouve finement brodée dans le canevas de certaines idéologies constructivistes et qui veut qu’on puisse tout à la fois régenter tout un peuple, toute une nation et définir à la tonne près la production céréalière ou de charbon qu’elle devra produire, la quantité de CO2 qu’elle devra rejeter ou le type précis de transport en commun qu’elle devra prendre, … avec les résultats systématiquement catastrophiques qu’on constate tous les jours.
Ça n’empêche pourtant pas nos frétillants diplomates, tout heureux de leur propre importance pour sauver des cailloux, des buissons et des insectes pendant que leurs populations crèvent de faim ou sous les inondations, de proposer quelques droits fondamentaux rigolos dont Gaïa ne peut se passer, comme le « droit à la vie et à l’existence« , le « droit à une eau pure et un air propre« , le « droit de ne pas avoir sa structure cellulaire modifiée ou génétiquement altérée« , le « droit d’évoluer sans intervention humaine« , et d’autres tout aussi affolants.
Les humains qui respirent les effluves délétères de certains marécages naturels apprécieront de n’avoir pas le droit de toucher à quoi que ce soit. Les humains qui ont été sauvés par le génie génétique, chimique ou cellulaire seront heureux d’apprendre qu’ils contreviennent à cette charmante déclaration sclérosante.
Bien évidemment, tout ce fatras d’interdictions lunatiques s’accompagne d’une proposition de création d’un Ministère de la Terre ou équivalent au rang international qui permettrait d’avoir une « gouvernance » supplémentaire à l’échelle planétaire qui assurera qu’encore un peu plus d’argent sera dispersé en foutaises inopérantes.
Le principe est, finalement, toujours le même : les nations occidentales ont eu l’impudence de bénéficier d’une révolution industrielle qui aura sorti leurs populations de la misère noire dans laquelle le reste de l’humanité a continué de se vautrer avec malheur, ce qui vaut à ces nations devenues opulentes une myriade de reproches.
Et bien que les recettes qui firent le succès du monde occidental sont connues, et qu’à peine appliquées, elles permettent à toujours plus de pays de se sortir de l’indigence, on continue à ne voir que les problèmes, de plus en plus faibles, de plus en plus anecdotiques, de plus en plus fantasmés, que ces recettes comportent ou pourraient comporter. On pourra lire avec profit l’article récent de Comte-Sponville à ce sujet.
Il est, en effet, bien plus facile de reprocher des choses et demander réparation à des riches et des biens portants qu’à des pauvres en mauvaise santé ; dès lors, chaque avancée majeure sera comptée au débit et non au crédit de ceux qui auront fait les efforts pour l’obtenir et elle sera considérée obligatoirement comme réalisée au détriment de quelqu’un, même si c’est faux. Surtout si c’est faux.
Les Nations Unies montrent ici l’étendue de leur inutilité. On peut même se demander si, en faisant ainsi le jeu de ces éternels alarmistes et contempteurs du progrès, l’ONU n’est pas carrément nuisible ; les prochaines élections de la Syrie (!) à la présidence de la principale institution de l’ONU pour les droits de l’Homme, et de l’Iran (!!) pour les droits de la Femme, laisse en effet peu de latitude à l’éternelle question de l’homme de bon sens : « Se ficherait-on de moi ? »
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