Le 21ème siècle est celui de l’homo mobilis. La mobilité, qu’elle soit technologique ou humaine constitue le cortège d’une mondialisation qui a rétréci la planète et rendu illusoire les frontières. De la capacité de la société internationale à gérer ou pas les flux migratoires dépendra largement la capacité de l’humanité à vivre en paix ou à l’inverse à se faire la guerre dans un contexte de raréfaction des ressources. L’Occident et l’Europe en particulier doivent démontrer rapidement que si les Etats ont légitimement droit à réguler les flux migratoires, ce contrôle ne doit pas se faire au détriment des droits de l’homme et des engagements internationaux.
La question de la gestion des flux migratoires est un des grands défis mondiaux. Les révolutions qui secouent les pays arabes engendrent des déplacements conséquents de population. Lampedusa constitue contre son gré un trait d’union entre deux mondes proches géographiquement mais qui restent éloignés culturellement, contrairement aux apparences du vernis d’occidentalisation qui s’est déposé de l’autre côté de la méditerranée par l’intermédiaire des télévisions.
La petite île italienne située à mi-chemin entre la Sicile et la Tunisie aurait vu débarquer sur ses côtes plus de 20 000 migrants depuis la mi-février. Si les gouvernements de l’UE ont bien saisi qu’il y avait un problème, ils ont préféré tourner la tête en laissant la péninsule Italienne seule face au fardeau des migrants.
Faute de politique migratoire commune les Etats à l’image de la France ont répondu au pied de nez de Belusconi qui a constitué à délivrer à grande échelle des titres de séjour, par un réflexe pavlovien de fermeture de leurs frontières. Une réponse comme le note Bernard Guetta sous la forme d’un coup de poing à un coup de pied.
L’UE réfléchit bien à un paquet législatif sur les questions d’immigration et d’asile mais celui-ci peine à voir le jour. Comment en effet travailler sur une politique d’immigration quand l’UE ne dispose pas d’une vision partagée de son avenir et de la communauté de destin qu’elle veut incarner ?
Il est inquiétant de voir un ministre de l’intérieur se faire le porte-voix de vents mauvais. Il est affligeant d’entendre Claude Guéant ériger officiellement les migrants, qu’ils soient en situation régulière ou non, en menaces potentielles pour l’ordre public. Ses propos sonnent en écho à Bruno Gollnish qui dans les pas de Charles Martel formule l’interrogation « qui les arrêtera ? ».
La contamination touche le Nouveau Centre dont le président, Hervé Morin non seulement approuve Claude Guéant mais ajoute que « les flux migratoires pèsent sur le pouvoir d’achat, parce qu’ils pèsent sur les salaires ».
La méfiance n’est pas nouvelle, seule la notion d’étranger évolue. Les migrants de l’intérieur, tels les maçons de la Creuse contraints de venir gagner leur vie à Paris, avaient eu droit en leur temps à la suspicion, aux discriminations policières et administratives réservés aux hommes déracinés. Par la suite, la France a toujours été un territoire d’immigration, des Russes blancs aux Espagnols sans oublier, les Polonais et Italiens pour ne citer qu’eux avant que ne se présentent des populations extra-européennes. Reste la question des volumes et cette fameuse capacité d’absorption maintes fois évoquée au-delà de laquelle, le Français de souche aurait le sentiment de ne plus être chez lui.
Loin de constituer un « exode biblique » les 20 000 migrants méditerranéens sont, sur le papier, facilement assimilables par l’UE. Mais il ne suffit pas de pouvoir. Il faut encore vouloir. On notera à cet égard la remise au Premier ministre le 13 avril dernier d’un rapport sur la politique d’intégration en France depuis vingt ans. Rédigé par le Haut Conseil à l’intégration (HCI), le document propose 44 mesures pour relancer notre modèle républicain d’intégration.
Sans sombrer dans l’angélisme, il appartient à la classe politique de délaisser les sirènes de l’extrême droite pour formaliser un discours d’adaptation victorieuse et proposer une logique d’agglomération gagnante des immigrés, non de stigmatisation.
La France et l’Europe sont aujourd’hui à la croisée des chemins. Soit la sortie se fera par le bas : le repli, la stigmatisation, la peur soit elle se fera par le haut, sur la base des valeurs humanistes et universelles issues des Lumières. Voix dissonante dans les discours actuels, le sénateur socialiste Roland Ries estime que face à la lâcheté électoraliste des Etats, c’est des institutions européennes que viendra une partie de la solution. Notamment de la Cour Européenne des droits de l’homme qui constituera selon lui le vrai rempart contre les réformes nationales agressives à l’égard du droit des étrangers.
Habemus papam. Alors que de nombreuses formations xénophobes européennes mettent en avant la défense de l’héritage chrétien pour s’opposer à l’immigration, Benoît XVI, Chef de l’Eglise catholique romaine et guide spirituel tente de ramener les esprits au calm et à la raison. « Que les hommes de bonne volonté soient éclairés pour ouvrir leur cœur à l’accueil afin que de façon solidaire et concertée il soit possible de répondre aux nécessités pressantes de tant de frères » a déclaré le Pape depuis le Vatican à l’occasion du dimanche de Pâques.
Illustration : visite du Pape en France (2008)
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