Magazine Journal intime

La Primesautière légèreté de l'air

Par Eric Mccomber
Quand elle est sur le point d'obtenir un truc qui lui fait plaisir, Modestine saute littéralement partout. Par exemple, même lorsque son plat est encore à demi-plein, il suffit que je prenne le sac de croquettes pour qu'elle bondisse sur le rebord de la fenêtre, se jette en bas, escalade le lit, me prenne le genou à deux pattes, remonte sur la fenêtre et grouigrouinant (elle a fort bien appris et ne va jamais sur mon bureau, la chérie, bénie soit-elle). C'est plutôt marrant, parce que j'ai été comme ça, moi aussi, jusqu'à cette soirée de 2001 où un 4x4 m'a cassé le crane. Je la regarde et j'ai de plus en plus envie de trouver une façon de retrouver le sentier qui mène à cet état d'esprit. Je ne crois pas que ça soit une question d'âge, mais de saison. Dans ma vie, ça sent le printemps.
Cette semaine, j'ai envoyé à mon éditrice le manuscrit final révisé, relu, corrigé et re-re-re-revu de mon prochain horrible roman, intitulé La Solde. J'annoncerai officiellement la date de sa parution dans les prochaines semaines, au cas où il se trouverait encore ici et là des gens que ça branche. Je suis bien conscient qu'en cette époque de marketing jetable, un auteur qui n'a pas publié depuis quatre ans fait désormais partie des curiosités poussiéreuses, mais j'y pouvais bien peu et c'est ainsi, il faut le temps, bordel de cul, que ceux zé celles qui en sont malheureux passent me voir avec une caisse de pils et on discutera, simonac.
En tout cas, c'est le troisième et dernier volet d'une sorte de trilogie de la lourdeur. Certainement le plus pesant et malheureux des trois, du moins pour ce qui est du terreau dans lequel ont poussé les racines. Enfin, heavy pour moi, mais pas pour vous, lectrices et lectriciens. Non, vous allez vous gondoler, je crois. Je n'ai jamais rien écrit d'aussi burlesque que cette atroce histoire d'un pauvre niochon échoué dans une usine à connerie et dont la parution du premier roman va détériorer l'existence de manière significative.
Le rapport, c'est qu'en cliquant sur « send », j'ai réalisé que tout ce qui va suivre est vachement agréable à travailler. Même Le Mauvais Siècle a un côté léger, potache et nigaud. Il n'est plus vraiment question de ma mort dans les prochains ouvrages et j'entrevois beaucoup de lumière, de vent, de grands espaces, de souffle, d'étoiles, de plages, de collines verdoyantes, et de machins plutôt désopilants. Les tragédies auront bien sûr pignon sur rue, c'est ainsi, je suis incapable d'inventer quoi que ce soit et les merdes ponctuent ma vie comme les jalons d'une autoroute. Mais ce sont de beaux désastres bien grandioses, désormais. Je croise les doigts pour que ça dure. J'ai passé quelques années dans un divan à regarder des émissions de télé en grignotant des pilules. Voilà, c'est officiellement derrière moi depuis mercredi dernier, et je n'ai plus qu'à crapahuter au soleil en clignant des yeux avec Modestine à mes côtés, toute heureuse de découvrir des bosquets, de croquer des mouches, d'escalader des troncs d'arbres et de creuser son petit trou dans une terre nouvelle.© Éric McComber

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