Par BSC NEWS.FR / Chaque semaine à partir du 26 avril, retrouvez un portrait de la série Exils en vidéo de Zara Samiry sur le BSCNEWS.FR
Exils regroupe 11 portraits réalisés en 2009/2010 par Zara Samiry et publié aujourd'hui par le BSCNEWS.FR
1er portrait Ali Akbar - Pakistanais - 54 ans ( vidéo ci-dessous)
"Au Maroc, tous mes amis et proches pensent que ma place est ici en France. Selon eux, je ne suis pas née pour vivre au Maroc. Je m’y suis toujours sentie loin de moi, étrangère.Les codes culturels m’échappent. Je ne fais partie ni d’un monde ni de l’autre, je me sens entre les deux. Au Maroc, j’étais assistée. Je n’avais jamais cuisiné. Je n’avais jamais fait de démarches administratives. Très jeune, j’avais été victime d’agressions qui m’avaient profondément marquée. Je sortais rarement seule. … J’ai quitté le Maroc, ma famille, mes amis, mes repères.
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J’ai trouvé un petit logement non meublé, j’ai pleuré dans son vide. Je suis restée des journées entières sans sortir, quasiment sans manger. Paris m’inquiétait. Prendre le métro toute seule, faire les courses, entrer dans un magasin étaient des actions douloureuses. J’ai connu le mal du pays jusqu’à fondre en larmes devant camarades et professeurs. On me laissait seule avec ma tristesse dans les couloirs.
Au Maroc, les gens aiment le contact. C’est une proximité humaine parfois étouffante pour moi. En France, les gens ne se touchent pas. Cela fait pratiquement un an, que personne ne m’a prise dans ses bras. L’indifférence et l’individualisme ici, me permirent de m’épanouir. … Loin des miens, je me retrouvai. Je suis restée un an sans retourner au Maroc, à mon retour, j’avais l’impression de retrouver un ancien amant.
En somme, l’épreuve de l’exil me semble avoir été fondatrice et nécessaire :
J’ai toujours éprouvé que j’étais exilée, mais c’est en m’expatriant que j’ai conçu ce que pouvaient être sa pleine dimension et sa puissance libératrice.
Mon envie de mener à bien ce projet l’a emporté sur ma difficulté à entretenir un rapport intime avec l’autre. Je me suis efforcée de surmonter cette difficulté et de créer les meilleures conditions pour mettre à l’aise mes interlocuteurs. Et parce que j’avais éprouvé moi-même l’expérience qu’il reflète, je me sentais mieux à même de comprendre et de représenter la souffrance, les doutes et les espoirs de leurs propres exils. Il me parait enfin que le fait de ne pas être extérieur à ce que l’on prétend représenter pouvait favoriser, contrairement à ce qu’il peut sembler, une acuité de regard et une forte expression." 2009/ Pour Didier Laroque et Felipe Martinez - Zara Samiry
Documentaires vidéos réalisés par Zara Samiry Le site officiel de Zara Samiry