Shaun of the dead et Hot Fuzz payaient respectivement leur tribut au film de zombie et au buddy movie policier des années 80.
Les scénaristes Simon Pegg et Edgar Wright (ce dernier endossant également la casquette de réalisateur) rendaient ainsi hommage à deux genres ayant nourri leur cinéphilie, laissant transpirer
dans chacun des deux films leur amour sincère pour tout un pan du cinéma de genre, loin de tout cynisme et de tout opportunisme post-moderne (Robert Rodriguez, si tu m'entends...).Premier scénario du duo Simon Pegg/Nick Frost, Paul s'inscrit lui aussi dans une démarche déférente, au sein d'un scénario plus malin qu'il n'y paraît,
même si au final le film ne s'élève jamais au niveau de ses deux prédecesseurs. S'affranchissant de leur comparse Edgar Wright (parti tourner le magistral Scott Pilgrim vs the world,
l'un des meilleurs films de 2010), Pegg et Frost se retrouvent devant la caméra de Greg Mottola, réalisateur de l'excellent Superbad, dans une histoire mettant en scène deux geeks
tombant par hasard sur un extra-terrestre qui leur demande leur aide afin de rentrer chez lui. Ce dernier, présent sur Terre depuis le crash de Roswell en 1947, a fourni au gouvernement toutes
sortes de renseignements pendant des décennies, tout en étant initiateur et conseiller de nombre de films et séries fantastiques des 60 dernières années. Les autorités américaines n'ayant
plus besoin de lui, si ce n'est à des fins purement biologiques (avec prélèvement d'organes à la clef), Paul prend la fuite, bien décidé à retrouver ses compagnons d'outre-espace.Débutant au Comic Con de San Diego, le film est ainsi marqué d'emblée du sceau de la culture geek, les deux héros étant en effet
passionnés de BD, de cinéma et de mondes imaginaires. Le film se verra donc parsemé de références plus (les clins d'oeil à E.T.) ou moins (le hangar des Aventuriers de
l'arche perdue) appuyés et/ou évidents à tout un pan du cinéma spielbergien qu'affectionne les deux acteurs/scénaristes. Cependant, au milieu de cette succession de références au demeurant
bien intégrées au métrage, ce sont surtout les dialogues qui posent problème à Paul.Grossier, irrévérencieux, vulgaire, le personnage de Paul aligne ainsi tout au long du film des répliques au ras des pâquerettes et sous la ceinture, le
systématisme du procédé tombant bien souvent à plat et tirant le film vers une malheureuse beaufitude. Un extra-terrestre montrant son cul, ça fait rire le chaland, mais ça reste misérable. Les
séquences se passant dans le slip ou multipliant les grossièretés simplement pour le plaisir sont ainsi bien trop nombreuses et totalement à côté de la plaque au sein d'un scénario pourtant
bien plus fûté que son vernis de façade.En effet, au-delà de l'aspect potache et du pan référentiel du métrage, le film interroge notre rapport à la fiction et à l'imaginaire, en faisant de Paul un être
totalement intégré au quotidien des Terriens. 60 ans de légendes, de livres, de films ou de séries ont ainsi peu à peu fait de l'extra-terrestre (au sens large) une entité faisant partie
intégrante de nos quotidiens. Le fait que l'alien porte un prénom humain dans le film est à ce titre significatif. La réflexion que propose le scénario de Pegg et Frost sur notre propre rapport à
la fiction est ainsi extrêmement malin et intéressant.Enfin, l'un des gros points faibles du film dans sa version française est le doublage du personnage de Paul par Philippe Manoeuvre (Seth Rogen se chargeant de la
version américaine). Impossible de faire abstraction du timbre de voix et du phrasé si particuliers du journaliste, à tel point que l'on voit davantage sur l'écran l'homme aux
lunettes noires que le personnage qu'il incarne. Grave erreur de casting donc, qui ôte une bonne part de crédibilité à Paul.Le film de Greg Mottola constitue donc un agréable moment de cinéma à défaut d'être inoubliable: on ne s'ennuie pas, les références sont un plaisir à déceler pour
le cinéphile, et malgré un humour lourd et gras, la réflexion proposée est extrêmement pertinente.