Le silence et le monde actuel. Quelques mots jetés à la page. Je suis un invisible. Je n’en suis pas fier, c’est un constat, une réalité… Comment pourrait-elle
être autrement cette réalité ? A moins que nous n’envisagions la culture que comme un outil de conquête des masses, à moins que nous n’envisagions l’art que comme une forme pré-machée et
formatée. Nous ne pouvons créer que dans une certaine invisibilité. C'est pour cela que le temps présent ne peut voir ses artistes pour ce qu'ils sont... Il peut au mieux, sans les juger,
faciliter leur travail d'expérimentation et de recherche ; il peut encore choisir ceux qui lui semblent justes (en son temps...), il ne peut décider de ce qui restera... il ne peut lire
l'avenir...
Que devrions nous être ? Devrions-nous nous laisser aller à la tendance de l'époque ? Faire pour être vu, faire pour
être aimé, considéré, adoré…. Faire pour être. Etre plus beau, plus grand, plus intelligent. Faire pour que l’on reconnaisse. Mon art se fout de la considération. Mon art m'est nécessaire et me
brûle. Mon art a certes besoin de regard et d’échange avec le public, mais il me dévore plus qu’il me nourrit ; il se nourrit de ce que je lui donne, il sera étincelle et pourra faire naître le
feu. Il me faut lutter contre l'effet de mode ; je ne peux utiliser d'autres mot que lutter. Lutter contre une facilité qui creuserait un sillon. Je ne crois en rien d’autre qu’en cela. En cette
lutte intime contre la facilité d’un geste qu’on reproduirait à l’infini. L’art n’est pas système. L’art n’est que patience et travail. L'art ne peut être facilités. L'art n'est pas réseau,
familles et défense des acquis ; l'art naît dans les recoins les plus sombres du monde, il peut devenir lumière et il peut rester boue...
Avec l'art du marionnettiste, j'ai choisi un art absolu, un art total. Ecrire, construire, interpréter ; un geste nourrissant l'autre et me vidant, lentement apparaissant. Dans un monde ou tout doit aller vite, un monde de l'instantanéité, l'art n'a plus le temps. Jeux de poupées, je ne suis rien, vous disparaîtrez
Voulez vous que je vous fasse une confidence ? Voulez vous que je vous dise ce que je commence à comprendre, ce qui commence à m’emplir jusqu’à en déborder ? Pour commencer, je dois l’avouer, je crois que J’ai mal commencé. Pour bien commencer, il m’aurait fallu commencer autrement mais cela, je dois aussi vous l’avouer, je m’en sens incapable ! Je ne peux pas recommencer...
Fabrice Levy-Hadida - Cie Les Mille et une Vies - Théâtre de Marionnettes Itinérant
Photographie : Ania Grizbatoruc en construction