La critique de Claude
Nul mieux que Karl Dönitz ne symbolise cette génération d’Allemands qui se sont entièrement voués à la Guerre. En 1914, il sort de l’Ecole navale pour servir sur un bâtiment qui sera très offensif sur le théâtre turc. Très vite il deviendra sous marinier, spécialité où il excellera tant qu’il deviendra le chef des Sous-marins de Hitler, et, pendant quelques jours, son successeur à la tête d’un Reich écrasé.
François-Emmanuel BREZET est marin et historien universitaire, donc bien placé pour décrypter les archives abondantes, et désormais ouvertes, de la Marine allemande et de l’Amirauté britannique.
Il nous montre un Dönitz « bon élève », sérieux, travailleur, bien noté, peut être sans génie. Contrairement à la plupart des officiers de son temps, il n’est pas issu de la Noblesse, mais fils d’un Ingénieur opticien de Carl Zeiss Iéna. Il manifeste peu ses sentiments, sauf au Führer, auquel il voue une admiration fanatique (ce mot est le sien) .
Sa grande affaire est la guerre sous-marine : ici l’auteur nous apporte une révélation : inspirés par les livres britanniques sur la Guerre, nous croyons que les sous marins nazis ont failli vaincre l’effort de guerre des Alliés. En fait il n’en a rien été, même s’ils ont généré des drames humains et rendu difficile l’approvisionnement de la Grande Bretagne.
Début 43 – en même temps que la reddition de Stalingrad -, les Allemands avaient perdu la « guerre au tonnage » sur l’Atlantique, faute d’avoir jamais mis en ligne assez de bâtiments, parce que Hitler avait toujours donné priorité à l’Armée de terre et a la Luftwaffe, et faute d’avoir développé des technologies de repérage (radar, sonar) et de communication aussi performantes que celles des Alliés. Même les torpilles étaient de mauvaise qualité. Et l’industrie américaine construisait chaque mois plus de Liberty ships que les sous-marins de la Kriegsmarine n’en coulaient.
Au passage, l’auteur cite le taux effarant des pertes : sur les 859 U-Boote partis en opérations, 648, soit 75%, ont été perdus, dont 429 corps et biens, et 60% des marins embarqués ne revinrent pas. Le beau film de Wolfgang PETERSEN, Das Boot (d’après le livre de L-G Buchheim), décrit cette lutte désespérée des jeunes gens servant sur les « U-Boote ».
Le livre de F-E Brézet est clair, bien construit, précis. Avec la rigueur du chercheur universitaire, il trace un portrait passionnant d’un des personnages-clé du Troisième Reich.
Dönitz : biographie de François-Emmanuel BREZET Perrin, 392 p, 22,50 €