2011
Editions Actes Sud
Jeanne Benameur nous a habitué à de belles histoires, à des destins chamboulés par l'amour des mots et de l'écriture (Les demeurées , Les mains libres).
Son dernier opus est un chef d'oeuvre de finesse et de liberté.
Antoine est un ouvrier dans une usine de sidérurgie. Mais suite aux délocalisations au Brésil, il est au chômage technique. Sa femme l'a quitté, il retourne alors chez ses parents. Il se remémore alors lorsqu'il avait huit ans, sur le perron, lorsqu'il avait voulu faire une fugue...
Dès les premières pages, nous vivons à l'intérieur d'Antoine, dans ses hésitations et ses soubresauts. Car Antoine se cherche. Il n'est pas à sa place dans son usine. Il a repris le boulot de son père mais dans quel but ?
Il se cherche et il cherche ses mots. Car il n'a jamais su dire et se dire. Dire l'amour à sa femme, dire la poésie de l'amour. Alors, il a cru se donner un rôle en s'inventant un rôle de syndicaliste qui dit les mots de la révolution. Mais en vain ...
Un jour, au chômage technique, il fait les marchés avec sa mère. Il croise Marcel, le bouquiniste. Deux âmes solitaires qui vont se comprendre....Antoine feuillette un livre sur le Brésil et découvre que l'inventeur de la sidérurgie brésilienne est un français.
Et s'il partait à la découverte de ses congénères du Brésil ? Et s'il reprenait le parcours de ce Moulevade qui, à sa manière, a fait sa révolution ?
Au Brésil, à travers les mots des autres, Antoine va trouver les siens, se trouver, en plongeant dans son intériorité.
Jeanne Benameur se refuse à faire un roman social classique sur le destin de la classe ouvrière. Fuyant les luttes collectives, elle privilégie les révolutions intérieures. L'échec social est l'occasion de faire le vide et de se retrouver. Et de faire une révolution intime...
L'écriture est magique, sans fioriture. Très rythmée et en même temps très épurée, la phrase respire ; on a l'impression de suivre les hésitations, les hauts et les bas de l'âme d'Antoine. Benameur fait réellement corps avec son personnage, en s'identifiant à lui.
Un livre d'une grande pudeur qui fait le portrait d'un homme a la dérive qui renaît grâce à ses mots (maux).