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Henri Pourrat

Publié le 26 avril 2011 par Gérard Charbonnel @gcharbonnel
Le chantre de l'Auvergne
Henri PourratA la fin du XIXè siècle, la petite ville d'Ambert, protégée par les monts du Forez et du Livradois, vit tout imprégnée de son passé, de ses traditions encore vivaces, de toute une culture populaire que l'on retrouve dans l'œuvre d'Henri Pourrat, grand maître du régionalisme auvergnat même si son oeuvre ne s'y limite pas.
Atteint de tuberculose dès 1905, le jeune étudiant d'alors ne peut entrer à L'Institut National Agronomique et doit abandonner tout projet de carrière dans les Eaux et Forêts. Contraint d'adopter une hygiène de vie très rigoureuse, il agrémente ses longues journées de siestes rêveuses et de promenades dans la campagne environnante, faisant provisions d'images et de sensations. Dès lors, sa vocation se dessine. Puisqu'il ne peut être ingénieur, il sera écrivain. Il se met à recueillir tous les vestiges d'un passé qui lui est cher, d'une civilisation qui est train de disparaître et qu'il veut sauver à tout prix.
C'est ainsi qu'après quelques tentatives dans des voies diverses, il en vient à écrire Gaspard des Montagnes ( 1922 - 1931 ), dont les quatre tomes représentent une véritable somme de l'Auvergne, toute la mémoire collective d'une province qui retrouve ainsi une vie foisonnante. Les figures de Gaspard et de sa cousine Anne-Marie Grange dominent une multitude de comparses et contribuent à l'unité d'une histoire où l'évocation d'un passé s'harmonise avec une trame romanesque pleine de fantaisie. Pour écrire cette saga Auvergnate, Pourrat est parti d'un conte populaire très répandu en Europe, le Conte des Yeux Blancs ou de la Main Coupée, insérant entre les principaux épisodes bien d'autres contes et anecdotes qui ne doivent jamais faire perdre de vue le dessein général.
Après la publication de Gaspard des Montagnes, Pourrat devient célèbre même hors de l'Auvergne mais jamais il n'acceptera d'abandonner sa province, d'aller s'installer à Paris pour faire carrière, de se couper d'un univers où il puise quotidiennement son inspiration. Désormais, il a trouvé sa voie, il sera le chantre de l'Auvergne, le barde émerveillé de son histoire et de ses légendes, le peintre dont les portraits paraîtront plus vrais que l'original.
La plupart de ses 70 ouvrages complèteront cette fresque initiale d'une foisonnante richesse : Dans l'herbe des trois vallées ( 1927 ) fait revivre la papeterie ambertoise, Ceux d'Auvergne ( 1928 ) présente les métiers et coutumes d'autrefois, La cité perdue ( 1935 ) s'interroge sur la localisation de la bataille de Gergovie, L'homme à la bêche( 1940 ) raconte l'histoire du paysan, Vent de Mars ( 1941 ) obtient le prix Goncourt, Le temps qu'il fait ( 1943 ) reprend proverbes et dictons, l'Histoire fidèle de la bête du Gévaudan ( 1946 ) saisit l'histoire aux frontières de la légende, Toucher terre ( 1946 ) désigne dès son titre tout un art de vivre, Chroniques d'Auvergne des âges perdus aux temps modernes ( 1957 ) rappelle toute l'épaisseur d'un passé illustré de magnifiques lithographies.
Cette Auvergne si chère, Pourrat la retrouve au détour de contes populaires qui représentent un aspect essentiel de sa création. Au château de Flamboisy ( 1936 ), Contes des Montagnes ( 1946 ), Contes de la bûcheronne ( 1947 ),Trois contes de la colère ( 1949 ), Contes du pré carré ( 1952 ), Contes du fraisier sauvage ( 1952 ) et surtout les treize volumes du Trésor des Contes parus de 1948 à 1962 attestent la permanence de cette veine si riche.
Pourrat a passé sa vie entière à l'écoute de sa province et il l'a vue des yeux du poète. Peu soucieux de respecter les exigences scientifiques des spécialistes du folklore et s'attirant les critiques, il se préoccupe davantage de la vie du conte qu'il réécrit selon une méthode développée dans la fort intéressante préface des Contes de la Bûcheronne : " Apprends ainsi à écouter et à retenir. Apprends aussi à noter. Le soir, ou mieux le lendemain matin, couche par écrit ce que tu as entendu " ou encore : " Quand le conte arrive aplati et desséché, essayons de lui rendre sève et vie. Mais puisons tout à la veine vive qui sort de la roche même ". Ainsi Pourrat a fait oeuvre créatrice tout en respectant l'esprit du conte et en intégrant les expressions les plus savoureuses.
Il enracine son oeuvre dans un attachant terroir dont elle tire toute sa couleur et sa saveur mais il n'en restreint pas la portée.
Il a su prendre appui sur une parfaite connaissance de l'Auvergne et des Auvergnats pour écrire une oeuvre où il dépeint lui aussi, à sa façon, l'humaine condition. C'est ainsi qu'il a récusé l'épithète de régionaliste quand certains ont voulu limiter ainsi son œuvre à l'évocation émue et superficielle d'un folklore désuet.

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