Je parlerais plutôt de femmes de ménage qui, les pauvres, ont dû être au service de cinq petits diables, de six heures du matin jusqu’à la nuit puisque nos parents travaillaient avec acharnement et rentraient très tard.
Ma grand-mère maternelle se remettait tant bien que mal d’une chute à la sortie de l’église Sainte Thérèse de Nice. Vice de la cataracte ou pensées négatives d’une de mes sœurs ainées qui ne la supportait pas, le fait est qu’elle a aisément raté une marche et s’est cassé les côtes. Pour passer le temps, elle bavardait avec sa voisine de chambre Agniesse qui devint très vite sa confidente. « Tope là, je t’embauche ! »
Nous vîmes arriver une grande dame assez âgée et qui sentait bon les herbes de Provence. Ses cheveux blancs rivalisaient d’éclat avec ceux de ma grand-mère. Elles étaient copines comme deux larrons en foire.
Je me souviens encore des bons petits plats préparés avec amour, des tomates joliment présentées sur un lit d’oignons, des pissaladières, des gratins dont le fumet traversait incognito le couloir menant à ma chambre.
Agniesse nous gâtait beaucoup et nous respectait mais cependant, aucun dialogue ne revient à ma mémoire. Elle était là à demeure, nous servait, y mettait tout son cœur et devait certainement partager toutes ses passions avec ma grand-mère.
Elle nous tricotait de beaux pull-overs bien chauds. Elle a d’ailleurs tenté de m’apprendre l’art du tricot mais je considérais que c’était un sport de vieux et je me suis bornée aux premiers pas de base : un point à l’endroit, un point à l’envers. J’ai vite compris que ce ne serait pas mon hobby et me suis reportée sur le crochet, faisant ainsi preuve de bonne volonté. Rien à faire, je n’accrochais pas, j’aimais mieux retrouver mes copains et leurs guitares électriques que j’accompagnais en usant mes semelles sur la pédale wha-wha que maman m’avait achetée lors d’un séjour en Allemagne.
Agniesse était très présente dans la maison qu’elle entretenait toujours d’une propreté exemplaire. Je l’aimais bien mais je ne sais pas grand-chose d’elle.
Elle reste un souvenir gravé dans ma mémoire, une présence, un silence bénéfique.