Photographies 1 et 3 : Bois gravé du XVe siècle ou
du XVIe, avec deux personnages aux longs cheveux dont l'un affublé d'un chapeau à grandes plumes. © LM.
Photographie 2 : Première page de la partie intitulée 'Des Cheveux des Français' du livre
de Guillaume-François-Roger Molé Histoire des Modes Françaises, ou Révolutions du costume en France, Depuis l’établissement de la Monarchie jusqu’à nos jours. Contenant tout ce qui concerne
la tête des Français, avec des recherches sur l’usage des Chevelures artificielles chez les Anciens, Amsterdam et Paris, chez Costard, Libraire, rue Saint-Jean-de-Beauvais, 1773, in-12
(16,6 x 10 cm). ©
LM.
Photographie 4 : Détail d'une estampe originale du XVIIe siècle d’Abraham Bosse (1604 -
1676). ©
LM.
Si la mode masculine actuelle des cheveux courts date de l'époque napoléonienne, auparavant une belle
coiffure s'apprécie le plus souvent à l'épaisseur et la longueur des cheveux. C'est une marque de virilité, cela depuis l'Antiquité, pendant le Moyen-âge et jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Les
cheveux reviennent à la mode avec les romantiques dans les années 1830, puis dans les années 1960. La beauté des cheveux est aussi une marque de noblesse.
Comme l'écrit M. Molé, dans son
Histoire des Modes Françaises, ou Révolutions du costume en France … (1773) : « C'est la coutume des Rois de France, dit Agathias [VIe siècle après J.-C.], de ne se faire jamais
couper les cheveux, mais de les conserver depuis le moment de leur naissance : ils laissent ceux de derrière flotter avec grâce sur leurs épaules ; ils partagent ceux de devant sur le sommet de
la tête, & les rejettent des deux côtés : en général leur chevelure n'est ni hérissée, ni dégoûtante comme celle des Turcs & des Barbares, ni liée ou cordelée toute ensemble sans
grâce, sans agrément : ils ont diverses manières de la tenir propre ; ils en ont grand soin […] Les cheveux, dans ces temps reculés, étaient en si grande vénération qu'il n'y avait point d'autre
manière de dégrader un Prince que de lui raser la tête. » Durant les mille ans du Moyen-âge de nombreuses façons de se coiffer sont à la mode : parfois avec des cheveux longs, parfois
courts. C'est une époque très riche en modes diverses, pleine d'inventivité, d'audaces et de goût notamment en ce qui concerne les parures de la tête. « Henri III & ses mignons
ranimèrent le goût des Français pour les cheveux frisés. Ils ne tentèrent pas cependant d'introduire la mode des longues chevelures : au contraire, ils affectèrent de laisser les oreilles
découvertes. C'était de leur part un raffinement de coquetterie : ils ne relevaient leurs cheveux que pour laisser voir en liberté les perles & les diamants qu'ils suspendaient à leurs
oreilles. Henri II fut le premier qui tenta d'usurper cette parure destinée aux femmes. Henri III suivit son exemple, & l'on conçoit aisément que cette nouveauté eut des sectateurs : l'art de
la frisure fit aussi des progrès : on frisa le toupet, le dessus, le derrière, & les côtés de la tête. Cet apprêt consistait à former, avec les cheveux, des espèces de rouleaux ou cercles
distingués les uns des autres. On nommait ces petits cercles des bichons. Le règne, trop court, d'Henri IV ne fut pas si favorable à la toilette de la tête que celui des favoris : mais ce Prince
laissa un successeur, qui fit éclore une nouvelle révolution. Louis XIII était fort jeune lorsqu'il parvint à la couronne. En grandissant, il conserva ses cheveux. Sous de pareils auspices, les
belles chevelures acquirent de la réputation. Elles commencèrent par s'arrondir autour de la tête ; elles cachèrent ensuite les oreilles, & finirent par flotter sur les épaules.
[…] Ce qui affligeait surtout les rigoristes, c'est que l'usage s'était introduit
parmi les Prêtres de se laver la tête avec des eaux de senteur, de répandre sur les cheveux des parfums exquis […] Les têtes Sacerdotales ne furent pas les seules qui éprouvèrent les lois du
changement : le goût pour les longues chevelures dégénéra bientôt en manie. Il n'est pas donné à tout le monde d'avoir beaucoup de cheveux, encore moins d'en avoir de très longs ; on eut
recours à l'art & sous ses auspices on brava la nature. Ce fut dans ce moment de vertige que s'introduisit la mode des bonnets à cheveux, connus sous le nom de perruques. J'en donnerai
l'histoire dans le supplément. Cette mode, dès son origine, fut portée à l'excès. Non seulement les têtes chauves & les têtes rousses s'empressèrent de lui rendre hommage ; celles mêmes que
la nature avait le plus favorisées, préférèrent des cheveux postiches à leurs cheveux naturels. Par une bizarrerie assez difficile à comprendre, l'amour des cheveux causa leur perte : les
perruques se multiplièrent ; presque toutes les têtes furent tondues […] Malgré ces contestations les cheveux, du moins ceux que l'on avait épargnés, acquéraient de jour en jour un nouvel éclat ;
les
toupets surtout commencèrent à jouer un rôle intéressant sur la tête des Français
: réduits d'abord à une simple touffe de cheveux, ils s'emparèrent par la suite de toute la largeur du front, & dégagèrent entièrement les tempes. Afin de leur donner une certaine consistance
qui les rendît commodes, on les roula sur un fer chaud : cet expédient procura pour la seconde fois des toupets frisés. Une autre invention apporta un changement notable sur le peu de têtes
chevelues qui existaient encore. Depuis le retour des cheveux flottants, les hommes s'étaient bornés à se laver, à se parfumer la tête. Les femmes au contraire semaient sur leurs cheveux une
certaine poudre blanche, qui n'avait été inventée que pour les nettoyer. Les Dames de la Cour & les filles de joie étaient mêmes les seules qui eussent pris cette licence. Les petits maîtres
envièrent aux femmes ce prétendu agrément. Plusieurs d'entre eux parurent en public avec des cheveux poudrés, & cette frivolité eut des approbateurs. D'abord les hommes se contentèrent de
mêler la poudre avec les cheveux : peu-à-peu ils s'accoutumèrent à la répandre avec profusion sur leur tête, & bientôt cette mode fut générale. Hommes, femmes, enfants, vieillards, tous
firent usage de la poudre; toutes les têtes devinrent blanches. Cette révolution influa sur le goût de la nation relativement à la couleur des cheveux. On avait toujours estimé en France, même
parmi les hommes, la couleur blonde, comme la plus douce, la plus agréable. Les cheveux noirs offraient quelque chose de trop dur ; les blancs annonçaient la décrépitude, ils étaient peu estimés.
Depuis l'introduction de la poudre, les cheveux blancs sont venus en honneur : tout homme assez heureux pour en avoir de bonne heure, se fit une gloire de ne plus les cacher :
une chevelure blanche est comptée au nombre des plus belles parures. Sur ces entrefaites le dix-huitième
siècle parut. Il vit les Français applaudir à la poudre, à la frisure, aux beaux toupets ; mais il ne tarda pas à s'apercevoir qu'ils commençaient à se dégoûter des longues chevelures. Pour les
contenter, il n'imagina pas d'autre moyen que de leur procurer le double avantage de jouir quand ils voudraient & des cheveux longs & des cheveux courts. Plein de ce projet, il fit éclore
de nouvelles modes. La première, la plus simple de toutes, consistait à réunir avec une rosette les cheveux qui flottaient sur les épaules, & à les attacher lorsque les circonstances
l'exigeaient. Cette mode, qui procura les cheveux en cadenettes, dura peu, & l'on vit arriver, pour la chevelure des hommes, ce qui était arrivé un demi siècle auparavant pour la queue des
chevaux. Les Parisiens, pendant un temps, se prirent de belle passion pour
les chevaux à courte queue : c'est ce qui fit dire à Bassompierre, lorsqu'en 1642 il sortit de prison où il était resté vingt ans, qu'il ne trouvait d'autre changement dans le monde, si ce n'est
que les hommes n'avaient plus de barbe, & les chevaux plus de queue. Bientôt, les habitants de Paris se jetèrent dans l'extrémité opposée ; les chevaux à la queue large & flottante furent
recherchés. La girouette tourna pour la troisième fois : sa nouvelle position fit désirer en même temps & les queues longues & les courtes queues : pour contenter un goût si bizarre, on
s'avisa de renfermer la queue des chevaux dans un étui, qu'on était libre d'ôter lorsqu'on le désirait : l'invention parut commode, les hommes s'en emparèrent. Ce fut alors que les Français
imaginèrent les bourses espèce de petit sac de taffetas dans lequel ils enfermèrent leurs cheveux, & d'où ils les retiraient
lorsque la nécessité
l'exigeait, ou que les circonstances le permettaient. Les rosettes ne furent pas néanmoins abandonnées ; elles s'attachèrent aux bourses, dont elles devinrent le principal ornement. D'abord les
bourses ne furent employées que dans les voyages, que pour courir le matin en chenille ou pendant la pluie : il eût été indécent de paraître avec cet ajustement devant les Grands, & surtout
dans les cérémonies. Avec le temps les bourses ont acquis quelque considération : il leur a été permis de se montrer dans les meilleures compagnies, & les Prêtres, après les avoir méprisées,
ne s'obstinèrent plus à soutenir qu'on devait se marier avec des cheveux flottant. Les cheveux de derrière la tête étant ainsi renfermés, ceux des côtés furent taillés : les oreilles
reparurent, & depuis ce temps elles n'ont plus été cachées. Quelques particuliers s'avisèrent aussi de tresser les cheveux : ils renouvelèrent même l'ancienne mode des cheveux en queue ; mais
il s'en faut bien qu'ils lui aient donné son premier lustre. Un simple ruban noir qui enveloppe les cheveux, voilà maintenant ce qu'on appelle une queue. Lorsque les queues parurent, la mode
voulait qu'elles fussent très grosses, très-longues, très-pointues. Les petits maîtres, toujours extrêmes, associaient à leurs cheveux des cheveux étrangers ; par ce moyen ils se procuraient de
belles queues. Quelques-uns d'entre eux voulurent multiplier cet ajustement, & introduire l'ancien usage des queues sans nombre. Leurs tentatives n'eurent aucun succès : il fut décidé que les hommes n'auraient qu'une queue ; qu'ils
ne la ramèneraient point sur la poitrine, comme cela se pratiquait dans le sixième siècle, mais qu'ils la renverraient sur leurs épaules, & qu'elle ne serait généralement admise que chez les
Militaires & les voyageurs. Les tresses reçurent un traitement moins rigoureux. Elles eurent la liberté de s'approprier toutes les couleurs : il leur fut même permis d'être bariolées, c'est
à-dire composées de rubans de couleurs différentes. Deux jolies rosettes eurent ordre de se placer aux deux extrémités. Malheureusement cette élégance fut de peu de durée ; les tresses subirent
le sort des queues; la couleur noire devint leur partage. Les bourses sont pareillement vouées au noir, & malgré leur élévation, elles n'ont point encore quitté cette livrée. Leur forme a
seulement varié : les premières bourses étaient quarrées, d'une
grandeur moyenne, & devaient paraître remplies de cheveux. Pour se conformer au goût dominant, on avait la précaution de les remplir avec du crin. Vinrent ensuite les bourses
extraordinairement petites & fort étroites par le haut, qui furent remplacées par les bourses d'une grandeur démesurée. Le crin disparut en même temps : plus une bourse était plate, plus on
la trouvait admirable. Les rosettes subirent aussi diverses variations :
on s'avisa de les associer à la frisure, elles furent
poudrées , & cette folie ne manqua point de partisans. La manière de disposer les cheveux sur le devant de la tête, & des deux côtés, éprouva pareillement différentes révolutions.
L'invention des perruques avait porté l'art de la frisure à un degré de perfection auquel on n'aurait jamais pensé qu'il put parvenir. Libres de donner à des cheveux postiches mille formes
différentes, les Maîtres Perruquiers n'épargnèrent ni peines ni soins pour piquer la vanité des petits maîtres ; & c'est à leur industrie que nous sommes redevables de ces fameuses frisures,
auxquelles bien des hommes attachent une partie de leur mérite. Le nombre de ces frisures est presque infini. Chaque année, chaque mois, chaque semaine en produit de nouvelles : on a vu
successivement paraître des têtes frisées en béquille, en graine d'épinards, en bâtons rompus ; hier c'était en aile de pigeon ; aujourd'hui à la débâcle, & mille autres manières qu'il serait
fort difficile de faire connaître sans le secours de la gravure. Il sera plus aisé d'exposer ici le tableau des apprêts qu'exigent ces diverses frisures, ou, pour me servir du terme consacré par
l'usage, de ces différentes colures. Si jamais, o race future ! il vous prenait envie de remettre en vigueur nos sublimes colures, souvenez-vous bien que quand les cheveux sont taillés suivant la
forme qu'on veut leur donner, il faut les prendre par pincées, les rouler sur eux-mêmes, & les envelopper dans un morceau de papier triangulaire. Chaque pincée de cheveux ainsi roulée &
enveloppée, se nomme une papillote. Si vous désirez savoir combien une chevelure peut fournir de papillotes ? Je vous répondrai que cela dépend du genre de la frisure & de l'abondance des
cheveux. Communément la tête d'un petit maître contient cent cinquante, deux cent rouleaux. Lorsque cette première opération sera finie, vous passerez chaque papillote entre les deux pattes d'un
fer chaud. Prenez garde que la chaleur ne soit trop grande ; vous auriez bientôt détruit votre propre ouvrage. Pour ne pas vous y tromper, voici un signe. Quand le fer ne brunit plus le papier,
allez, pressez ; vous êtes parvenus au degré de chaleur nécessaire. N'opérez pas néanmoins avec trop de précipitation, craignez que votre main ne bronche ; la position est délicate : en voulant
décorer l'idole, souvent on la défigure. Les papillotes étant ainsi pressées ; laissez les refroidir. Vous enlèverez ensuite le papier, vous réunirez tous les rouleaux avec cet instrument si
ancien, si commode, & si connu, que l'on nomme un peigne : sous ses auspices vous mêlerez les cheveux autant qu'il sera en votre pouvoir. C'est ce qu'on appelle crêper. Ceci étant achevé,
partagez de nouveau les cheveux, dégagez les faces du toupet & le toupet des cheveux de derrière ; vous formerez alors des boucles, ou marons, & la frisure sera ébauchée. Une
opération d'une nouvelle espèce se présente. Prenez de cette poudre blanche, dont j'ai déjà parlé ; vous la pétrirez avec une espèce de matière grasse, appelée pommade : par le moyen de
cette pâte vous collerez, vous mastiquerez chaque boucle, chaque maron, & l'obligerez à prendre, à garder la forme que vous désirez. Si cette gomme ne suffit pas, ayez recours aux épingles
noires ; elles assujettiront à votre gré toutes les boucles, tous les marons. Le dernier apprêt consiste à prendre avec un instrument, que l'on nomme houppe, de la poudre blanche, & à la
secouer légèrement sur les cheveux jusqu'à ce qu'ils en soient entièrement couverts. Allez maintenant consulter votre miroir. Cette opération termine la toilette ; la colure est achevée.
Peut-être, ô race future !
trouverez vous cette méthode sale, bizarre & minutieuse ? Elle est cependant universellement
reçue. Oui , telle est en général la manière d'enjoliver les têtes d'à présent. Elle est même commune en France, au Seigneur comme à son valet, aux personnes du monde comme aux gens d'Église. Si
l'on en excepte quelques Moines, & les habitants de la Campagne, toutes les têtes Françaises sont frisées, poudrées, mastiquées. Je crois superflu d'observer, qu'il aurait été ridicule de
surcharger d'un chapeau une tête si artistement arrangée. Cet ancien ornement a donc été sacrifié à la frisure : il n'a pas été néanmoins abandonné tout-à-fait. On le porta d'abord à la main par
la suite il se plaça du côté gauche, & la mode s'introduisit de porter les chapeaux sous le bras. Qu'il me soit permis d'observer que c'est pour la troisième fois que le côté gauche est
devenu le dépositaire des ornements de tête. Les aumusses se sont emparées du bras, les chaperons de l'épaule, tout le monde sait où les chapeaux sont placés ; j'ignore comment nos descendants
s'y prendront, s'ils inventent quelque ajustement de tête, & s'ils s'en dégoûtent, toutes les places sont occupées. Il est facile de concevoir que le chapeau ne se trouva pas à son aise sous
le bras gauche ; c'est ce qui le força de prendre une forme nouvelle : sa calotte s'est aplatie, ses bords se sont couchés, il est devenu un ornement presque
inutile. »
Article LM
Photographies 5 et 6 : Gravure du temps de Louis XIV : « Cavalier en Écharpe. Il est
galant déterminé - Jetant ses cheveux en arrière - Et prêt à fournir la Carrière - Dans un bal après le dîner. » © LM.