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Anthologie permanente : Tarjei Vesaas

Par Florence Trocmé

Ne pas comprendre, mais être à proximité de ce qui se passe.
Ne pas essayer de comprendre le grand branchage sous la terre. Là où des lacs éclatent en sources innombrables qui à leur tour éclatent en sources innombrables et finalement en sources impensablement petites – tandis que les assoiffés restent assoiffés derrière les assoiffés.
Quand on a compris cela sans comprendre tout de même, que doit-on faire ?
Le courant ne s'arrête pas. Comme un grand pouls ne s'arrête pas non plus.
C'est toujours la nuit. Cela ne fait plus grande différence. On entend d'un bout à l'autre de la nuit. Le pouls étrange travaille tout près.
Peur ? Non. Un peu effrayé mais gai.
Étant donné que c'est tout près on comprend que les murs ne signifient rien. Effrayé et gai on doit noter comment le pouls bat tout près de vous quand c'est la nuit et que les murs sont loin.
Le courant impétueux est en train de rebrousser chemin. On le rencontre sur le chemin du retour.
Comment ça ?
Le pouls pendant les nuits peut chasser le sommeil, mais pas pour la perte ou l'anéantissement. On écoute ce que l'on ne comprend pas, c'est ce que l'on a toujours fait."
 
Tarjei Vesaas La barque le soir, roman traduit du néo-norvégien par Régis Boyer, José Corti 2002 (R. Boyer, dans sa présentation, s'interroge : "Roman, autobiographie ou poème ?") 
 
 
[Claude Mouchard] 
 
Sur Tarjei Vesaas et sur La Barque le soir, voir ici, sur le site de l’éditeur José Corti, où l’on peut lire d’autres extraits du lvire
 
 
Je me permets de rapprocher ce texte de cette citation de Nietzsche :

« L’oreille, organe de la peur, n’a pu se développer aussi amplement qu’elle l’a fait que dans la nuit ou la pénombre des forêts et des cavernes obscures, selon le mode de vie de l’âge de la peur, c’est-à-dire du plus long de tous les âges humains qu’il y ait jamais eu : à la lumière, l’oreille est moins nécessaire. D’où le caractère de la musique, art de la nuit et de la pénombre. » (cité in Ligatures, la pensée musicale de Kurtág, sous la direction de Pierre Maréchaux et Grégoire Tosser, contribution de Florence Fabre, « Kreis : l’hommage à R. Sch. op. 15d », Presses Universitaires de Rennes, 2005, p. 241 – cette citation est extraite d’Aurore, § 250) 


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