Certains disent que c’est un « livre de filles ». Si ce jugement apparaît quelque peu dépréciatif, il n’est pas totalement faux dans la mesure où c’est effectivement un livre écrit par une femme et qui parle des femmes. Cela dit, un tel commentaire est évidemment simpliste. Personnellement, je préfère dire que c’est un livre sur la vie, celle des femmes bien sûr, mais aussi sur les hommes qu’elles épousent et avec qui elles forment un couple, les enfants qu’ils engendrent, la famille qu’ils forment et les années qui passent.
A travers trois générations de femmes, Alice Ferney raconte avec pudeur et discrétion, mais sans détour, les histoires successives de Valentine, Mathilde et de la petite dernière, du début du siècle à nos jours : les convenances, les arrangements, le statut social de l’homme et de son épouse de femme, les maternités successives, les décès et le chagrin qui ne s’efface jamais vraiment.
Sans jamais formuler de jugement, elle dépeint l’évolution des relations entre hommes et femmes, et de leurs rôles respectifs, vers le fragile équilibre qui existe (pas toujours) aujourd’hui. Sans militantisme ni féminisme revendiqué, L’Elégance des veuves éclaire le lecteur sur l’environnement social qui pesait sur l’homme et la femme du début du siècle, dans le milieu bourgeois, avec tout ce que l’on imagine de caricatural. Mais c’est justement parce qu’elle a choisi la bourgeoisie pour cadre qu’Alice Ferney nous permet de pénétrer un monde où l’apparence est ligne de conduite et de décrypter un mode de fonctionnement qui apparaît tellement dépassé aujourd’hui qu’il en est presque inconcevable. Et pourtant, il n’est ni si éloigné, ni éradiqué et, surtout, l’univers ici décrit permet d’apercevoir que, contrairement à ce que l’on imagine trop facilement aujourd’hui, les femmes étaient, si ce n’est satisfaites, du moins averties de leur destinée.
Bref, sans être réellement un coup de cœur (trop interpellant ? trop juste ?), ce (court) roman reste un exercice de style remarquable, avec, d’une part le charme désuet des bavardages maternels à l’heure du thé et, d’autre part, la force de questionnements sans fin : être amoureuse, épouse, mère… et heureuse.