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La journée des déportés (Tenir)

Publié le 24 avril 2011 par Falconhill
La journée des déportés (Tenir)Un mariage hier soir. Du vin, beaucoup. Et une tête capricieuse lorsqu'il fallait se lever ce matin... Pour une célébration modeste, mais importante pour moi. Le souvenir des déportés.
La manifestation ce matin, au monument aux morts de mon village, n'a pas soulevé les foules. Il y avait quand même, dans un coin de mon cœur, le souvenir de mon grand père, mort cet été... Il avait été un déporté. Ces journées étaient importantes pour lui. Elles le sont forcément un peu pour moi...
Un élu a lu ce matin un texte qui m'a beaucoup touché. "Tenir", un poème de Gaston Charlet. J'ai trouvé cette lecture belle, elle m'a ému. Je la retranscrit ici...
« Tenir » ce fut le verbe le plus conjugué par tous « ceux » de la concentration.
« Tenir », c’était ne pas mourir de faim, en dépit de l’indigence des rations distribuées…
« Tenir », c’était ne pas mourir de froid sur les chantiers, dans les carrières ou sous les tunnels balayés par la bise, les tourbillons de neige et les rafales rageuses de la pluie…
« Tenir », c’était ne pas tomber foudroyé par deux coups de mousqueton tirés de quelques mètres, ou le fois éclaté par le poing meurtrier d’un kapo…
« Tenir », c’était ne pas partir avec ses tripes, dans un recoin des latrines, parce que la dysenterie vous avait marqué de son signe…
« Tenir », encore et par-dessus tout, c’était ne pas laisser le « cafard » s’installer dans les esprits, le défaitisme pénétrer dans les cœurs et le doute envahir les âmes.
« Tenir », c’était penser : « Quand je sortirai de là » alors qu’on savait n’avoir qu’une chance sur cent d’en sortir.
C’était se dire : « Ils nous le paieront un jour » alors qu’on savait déjà qu’ils ne nous le paieraient jamais.
C’était affirmer : « Je n’ai pas faim » alors que la disette vous crochetait l’estomac ; « Je n’ai pas froid » quand on claquait des dents… « Je n’ai pas mal », en regardant les zébrures violettes que les lanières de la schlague avaient marquées sur vos bras et sur vos reins.
« Tenir », c’était vouloir résister avec obstination, envers et contre tout, quoi qu’il arrivât, c’était garder sa foi et son moral autant que ses os, et la peau qui les recouvrait ; c’était rester fidèle à l’idéal dont on avait déjà pu mesurer qu’il était le frère jumeau du risque.
D’un risque susceptible de conduire au-delà même de la déportation, et qu’entretenait la hantise hallucinante de la mort.
« Tenir », enfin, c’était « vouloir durer ».
Tous, ou presque tous, ont voulu.
Certains ont pu, d’autres pas.
Pour ses derniers, le destin sans doute, n’était pas d’accord. »

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