Les nouvelles idées ne procèdent plus des grands penseurs mais des grands événements. Il est fini le temps des philosophes réfléchissant (…) L’événement est fait par ceux qui le vivent. L’Histoire est faite par ceux qui la racontent, de plus en plus en direct… [Jean Hatzfled]
La ligne de flottaison est un roman (réflexif et poignant) de Jean Hatzfeld.
Il a été édité aux Points, en septembre 2007 et comporte 266 pages.
Son auteur:
Pour préambule, sachez que je suis un fan absolu de Jean Hatzfeld, c’est dit!
Né en 1949, à Madagascar, Jean Hatzfeld a collaboré au journal Libération. Il s’occupe d’abord de la rubrique sportive avant de devenir grand reporter pour couvrir de nombreux conflits en tant que correspondant de guerre. Écrivain, il a reçu pas moins de 10 prix pour ses oeuvres (dont un prix Fémina). Il a séjourné plusieurs mois au Rwanda depuis le génocide et plus précisément sur les collines de Nyamata où il a recueilli les témoignages des rescapés pour écrire deux essais bouleversants: Dans le nu de la vie (où est relatée l’Histoire vue par les victimes) et Une saison de machettes (qui laisse la parole aux bourreaux).
Le mystère. Un mystère d’une banalité sans nom : on ne peut pas comprendre que ça puisse arriver. Je dis souvent qu’une guerre, c’est comme un fleuve qui déborde. Il inonde tout ce qu’il y a autour, c’est quand même une rivière qui coule. Un génocide, c’est quand la rivière s’assèche : il n’y a plus rien. Tant que je vivrai, je retournerai à Nyamata. Même si je sais que je ne comprendrai jamais. [Le Monde, Jean Hatzfeld, mars 2002]
La 4ème de couv’: (plutôt que la 4ème de couv’, je préfère partager avec vous le résumé de la Fnac)
Grand reporter, Frédéric rentre à Paris après un long séjour en Tchétchénie et retrouve Emese, la jeune traductrice hongroise dont il partage la vie et l’appartement. S’il reprend ses habitudes et ses lectures, s’il retrouve ses amis, son journal et son café du matin, Frédéric n’arrive pas à être présent à la vie parisienne. Tout lui paraît insurmontable, il se sent envahi d’une angoissante solitude et ne parvient à être compris et véritablement à l’aise qu’avec ses semblables, ceux qui partagent le même destin. Devrait-il s’établir? Faire un enfant? Accepter de ne plus jamais repartir? Pourquoi une telle obstination à s’échapper de la douceur du quotidien? Qu’est-ce qui le pousse à s’enfoncer dans les ruines, à crapahuter sur les monticules de gravats et à risquer sa propre vie pour raconter le chaos? Qu’est-ce qui l’incite sans cesse à quitter les siens? »Écrire là-bas, être lu ici, se taire ici, chaque chose à sa place. »
A-t-il atteint un point de non-retour?
(Source)
J’en pense quoi?
J’hésitais (encore une fois) sur le choix du Roman à vous présentez ce dimanche. Je voulais certes définitivement parler de Jean Hatzfeld mais peut-être aurais-je dû aborder ces essais sur le Rwanda qui m’ont transpercés et que je vous conseille sans modération (mais en vous préparant un peu, quand même…)
Mes pensées en quelques points…
1. Pour votre information, la ligne de flottaison désigne la ligne qui sépare la partie immergée de la coque d’un navire (i.e. sous l’eau) de celle qui est émergée (i.e. au-dessus l’eau). C’est une notion que je trouve toujours très intéressante et ce, quelque soit le domaine : quelle est la part de soi que l’on affiche vs. la part que l’on cache?
Tant qu’il ne fait pas de choix, le héros du roman nage entre deux eaux, incapable d’émerger totalement et de consacrer sa vie à son amoureuse, autant que de se vouer corps et âme à son travail, vécu de façon tout aussi intime. Telle est la ligne de flottaison, où deux univers se confondent…
2. Jean Hatzfeld sait de quoi et de qui il parle quand il écrit un roman avec pour caractère principal un grand reporter, revenant de la guerre en Tchétchénie.
Entre autobiographie et fiction, son roman est le reflet d’une interrogation sur notre appartenance au monde. Il exprime la nécessité de s’y engager, malgré la peur, mais préconise aussi de s’en préserver. Et sans oublier, que, parfois, seul le destin décide.
3. Ce roman est aussi une éblouissante histoire d’amour sur fond de guerre. Non pas une histoire douce et paisible mais une mélancolique histoire torturée de manière latente et silencieuse presque malaisée et surtout pleine de désarroi.
Pour terminer sur une courte citation, extraite du livre - à méditer en ce dimanche :
[...] chaque guerre nous montre ce que nous sommes en train de cesser d’être [...]
Bonne lecture et bon dimanche (de Pâques) à tous!
Le Roman du Dimanche : La ligne de flottaison de Jean Hatzfeld a été publié sur Le Blog de Jean-Noël Chaintreuil. Restons en contact sur Facebook. Suivez-moi sur Twitter.