par Antoine Oury, le 21 avril 2011
En 1952, René Char présente Guirlande terrestre, poème manuscrit s'étendant sur 36 pages, accompagné par des illustrations de Jean Arp. Onze années plus tard, il livre une deuxième version, définitive, de sa composition: il s'agit de Lettera amorosa, illustrée cette fois par Georges Braque. Le texte est brillant, incisif, paisiblement lyrique: les deux versions du poème constituent un des plus beaux chants d'amour de la poésie française.
Illustration de Georges Braque
Restituer l'aspect fragmentaire de la réalité
A propos des célèbres Feuillets d'Hypnos de René Char, Paul Veyne écrit “L'apparence fragmentaire du récit montre l'allergie de René à toute rhétorique, à ces transitions, introductions et explications qui sont le tissu intercalaire de tout corps de récit normalement constitué ; ne subsistent, séparées, que les parties vives”. Une remarque qui peut également s'appliquer à Lettera amorosa, six ans après les Feuillets d'Hypnos: ici aussi, le poème se découpe en courts paragraphes qui rendent compte d'une sensation ou d'une émotion particulière. Les illustrations qui accompagnent le texte reflètent cette écriture fragmentaire: elles ne sont jamais figuratives, mais suggèrent simplement formes et couleurs (on reconnaît la silhouette d'un oiseau en vol, les visages des amants ou la corolle d'une fleur, mais d'autres compositions sont résolument abstraites, surtout celles de Jean Arp). René Char a lui-même supervisé soigneusement la mise en page du recueil, en commentant son texte en présence des deux illustrateurs: les oeuvres associées au texte prennent alors le statut de prolongations de l'oeuvre plutôt que d'illustrations statiques.
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