Pour un rassemblement à la gauche du PS, vite !
A l’heure où le capitalisme fait sa crise, comment la gauche radicale peut-elle se regarder le nombril en comptant ses divisions au lieu de faire force commune et de mettre à jour son projet, en ouvrant les portes et les fenêtres sur ce qui bouge, conteste et invente dans la société ? Comment pouvons-nous laisser le terrain à l’extrême droite, qui prospère sur la désespérance sociale et le divorce consommé entre le peuple et les élites ? J’ai honte pour celles et ceux dont nous voulons porter la voix et les intérêts.
Le NPA porte une part de responsabilité importante dans le spectacle de division que nous donnons depuis des années. L’éparpillement nous discrédite auprès de millions de gens qui crèvent des inégalités croissantes, paient le prix fort des libertés sous surveillance et des dérèglements de l’écosystème, voient leurs désirs mis sous tutelle par les lois du marché et le consumérisme. Pourtant, les potentialités sont fortes. Les révoltes du monde arabe donnent du souffle, l’esprit de résistance s’aiguise, la contestation du capitalisme se renforce au gré des profits engrangés par les puissants pendant que le « pouvoir vivre dignement » recule pour plus grand nombre. Et nous resterions l’arme au pied, pris dans nos micros débats qui n’intéressent plus personne et arc-boutés sur nos divergences invisibles à l’œil nu ? Ce n’est pas sérieux…
Alors qu’aucune majorité n’a été trouvée à son Congrès en faveur du rassemblement à la gauche du PS, le NPA ouvre la discussion avec ses éventuels partenaires politiques. A la bonne heure ? Mieux vaut tard que jamais, diront les plus optimistes… Mais chacun sait que le tour de piste engagé est formel tant les jeux semblent faits. A quoi sert de rencontrer individuellement les forces qui se situent du côté de la rupture avec l’ordre dominant si c’est pour déboucher, en juin, sur une troisième présidentielle en solitaire avec Besancenot ? Le NPA gagnerait à faire de la politique avec sincérité. L’unité ne peut être une posture : il faut la vouloir vraiment pour y parvenir. En outre, que signifie cet appel de méthode visant à discuter d’abord du programme quand nous savons qu’il n’y a là aucun désaccord substantiel ? Pour mémoire, en 2007, nous avions dégagé ensemble une centaine de propositions communes dans les collectifs antilibéraux pour déboucher sur… trois candidatures. De grâce, ne déportons pas les débats là où ils ne sont plus. La question stratégique est devenue le point de cristallisation des divergences. Affrontons-là sans détour, mais aussi sans procès par avance. Quand le Front de Gauche prend le parti clair, dans ses textes d’orientation, de l’alternative et non de la réédition de la gauche plurielle, quand Jean-Luc Mélenchon dit publiquement qu’il ne participerait qu’à un gouvernement dirigé par l’autre gauche, il faut l’entendre. Enfin, pourquoi faire semblant d’en appeler à une candidature du mouvement social quand, à un an de la présidentielle, aucune personnalité syndicale ou associative ne se dégage pour un tel défi ? Que le choix de Jean-Luc Mélenchon pose question peut s’entendre mais à la condition de mettre en débat d’autres propositions concrètes. Sinon, le rejet de Mélenchon apparaît comme un prétexte pour ne pas faire campagne commune.
Faire ensemble, c’est prendre la mesure des urgences. Les crises démocratiques, économiques et écologiques deviennent paroxystiques. Elles appellent des réponses politiques à la hauteur, porteuses de ruptures avec les lois du marché et d’émancipation humaine. Les vaincus d’un système qui marche à l’envers ont besoin de bien plus qu’un mégaphone. Notre responsabilité, c’est de faire force commune pour que se dessine une espérance, pour que nos idées et propositions aient quelques chances de se traduire dans le réel, pour contribuer à l’irruption du peuple dans le champ politique, condition sine qua non de la transformation sociale. Unité, radicalité, novation : ce triptyque doit servir le débat d’idées en faveur de l’hégémonie culturelle (au sens gramscien du terme), favoriser les victoires sur le terrain social et permettre de progresser substantiellement dans les urnes. Si la droite dure est un désastre et si le PS à l’eau de rose ne changera pas fondamentalement la donne, c’est à nous de regrouper nos énergies et nos espoirs pour qu’une gauche digne de ce nom existe dans notre pays, et puisse être utile à un nouvel internationalisme à construire. Il y a un avenir en dehors des plans de rigueur et des traités libéraux de l’Union européenne : encore faut-il que cette perspective gagne en crédibilité, c’est-à-dire puisse être soutenue par une part croissante d’individus et de collectifs. Si nous ne sommes pas capables, dès maintenant, de porter une voix commune, et si nous partons séparément en 2012, nous risquons la marginalisation politique. La compétition à l’intérieur de la gauche radicale est un cadeau pour le FN, la droite et le PS. Sortir de nos vieilles lunes et de nos débats qui tournent en rond est une impérieuse nécessité. La réponse sera commune, ou ne sera pas. Ma conviction est que, tôt ou tard, nous y parviendrons. Pourquoi tarder ?
Clémentine Autain, sur son blog