Le monde du traitement de l’information sera toujours pour moi un sujet d’étonnement. Chaque fois que l’époque se passionne de manière aussi pathologique que je peux le constater aujourd’hui pour un fait divers ou un autre, je ne peux m’empêcher de me demander en quoi cela importe plus que d’autres sujets, notamment, par exemple, plus positifs, éventuellement facteurs d’évolution mentale plus que de fascination morbide, qui m’ insupporte … Cela me fait penser à tous ces badauds qui s’arrêtent sur l’autoroute dans l’espoir inconscient de surprendre un cadavre pendant une opération de désincarcération, au risque de provoquer stupidement un autre accident. Bêtise humaine pure.
Nous en sommes aujourd’hui à voir tourner en boucle l’histoire de ce père de famille qui a tué sa femme et ses quatre enfants, au point d’en éclipser toutes les autres actualités. Personne ne sait ce qui s’est passé, mais cela n’empêche nullement les médias de gloser inlassablement en délayant sans fin les brumes de leur ignorance.
Que peut bien apporter cette fixation absurde de l’attention médiatique sur un tel événement, là où des milliers d’informations moins anecdotiques à l’échelle d’une civilisation pourraient apporter bien davantage de réflexion, d’apaisement, de plaisir, de désir d’apprendre, de comprendre, d’agir et de se forger une représentation du monde plus fidèle que par ce seul prisme de la violence meurtrière qui fait soudain irruption dans votre quotidien le plus banal ?
D’aucuns se vautreront dans la théorie du complot, développant l’argument archi-rabâché selon lequel ce gouvernement malveillant a tout intérêt à détourner l’attention des foules, grâce à des médias à la botte , de ses frasques internes, de son incurie politique, et de son inefficacité publique indubitable sur nos maux essentiels quotidiens.
Je ne tomberai pas dans ce travers qui me semble relever d’un esprit paranoïde entretenu par la manière dont les informations sont traitées, bien peu équilibrées, et qui amènent couramment les psychiatres à conseiller à leurs patients les plus anxieux d’éviter de trop regarder les journaux télévisés, sous peine d’entretenir leur pathologie d’images et de faits à caractère cristallisant.
En bon bisounours qui s’assume parfaitement, et d’autant plus que sa lucidité et sa profession ne lui permettent que difficilement d’échapper à la misère humaine, je me contenterai quant à moi de regretter qu’il n’y ait point de journaux de bonnes nouvelles, plutôt que de mauvaises. Car il me semble, très rationnellement parlant, que dans la masse des informations traitées, il y a la même proportion de sujets positifs, de sujets négatifs, et de sujets neutres.
Mais probablement que le bonheur de Marianne qui vient enfin de retrouver un boulot moins précaire, qui sort enfin après des années de son HLM pourri et qui voit enfin l’horizon de sa vie se dégager n’intéresse plus personne… A part moi, que la joie d’en voir une autre emplit d’une bouffée d’air pur, à l’intérieur de mon cœur un peu trop encrassé ?