Étrange destinée historique pour un homme qui a, selon de nombreux témoignages, réellement existé mais dont il est très difficile de connaître les dates de naissance et de
décès.
Dans la Passion selon saint
Matthieu, il est dit : « À partir de midi, l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à trois
heures ». Ce qui signifierait qu’il y aurait eu une éclipse du soleil.
Le problème, c’est que la Passion a eu lieu au moment de la Pâque juive et donc, à la pleine lune, or une éclipse solaire ne peut avoir
lieu qu’à la nouvelle lune (la lune doit être entre la terre et le soleil et pas le contraire). Peut-être y a-t-il eu confusion entre éclipse du soleil (qui donne de l’obscurité) et éclipse de
lune (qui a bien lieu pendant la pleine lune). Certains textes parlent de lune rouge (couleur sang), ce qui correspondrait à une éclipse lunaire.
Cette obscurité décrite pourrait alors être la survenue de nuages.
Cela laisserait plutôt entendre que la journée correspondrait au vendredi 3 avril 33, la pleine lune étant à quinze heures deux minutes et
une éclipse partielle de lune un peu plus tard. D’autres exégètes parlent du vendredi 7 avril 30.
Il est aussi dit : « Et voici que le rideau du temple se déchira en
deux, du haut en bas ; la terre trembla et les rochers se fendirent ». Cela signifierait qu’il y aurait eu un tremblement de
terre à cette époque.
La datation du jour de la mort de Jésus reste effectivement assez difficile à confirmer. L’évangile selon saint Jean un peu différent et
les trois autres évangiles (synoptiques) ont pu également avoir leur part d’erreurs. L’une d’elles sur les dates peut provenir de la coexistence de deux systèmes de calendrier, un officiel basé
sur la lune et un autre basé sur le soleil.
Phlégon de Tralles (chroniqueur sous Hadrien, cité par Eusèbe) rappelait ceci : « Dans la quatrième année de la deux cent deuxième olympiade (32-33), il y eut une éclipse du soleil, plus totale que ce qui avait été observé jusque
là ; à la sixième heure, le jour devint nuit et on aperçut les étoiles dans le ciel ; un tremblement de terre se produisit en Bithynie [nord-ouest de la Turquie] qui anéantit de
nombreux édifices de la ville de Nicée ». Cette éclipse aurait eu lieu plutôt le 19 mars 33 et pas en avril.
En 1954, les travaux d’Annie Jaubert (1912-1980), maître de recherches au CNRS, sur les manuscrits de la Mer Morte découverts à Qumran en
1947 (datant du Ier siècle après JC et ayant appartenu aux Esséniens)
donneraient une cohérence à la description parfois contradictoire des quatre évangiles (celui de saint Jean étant très différent des trois autres sur ces détails) : la Cène aurait eu lieu
plutôt le mardi soir, ce qui aurait donné ainsi plusieurs jours pour le procès (matériellement, c’était difficile que de l’arrestation à l’exécution, cela ne durât que quelques heures) et aurait
évité de prononcer la condamnation à mort la veille du Sabbat (interdit par le Talmud).
Le 22 décembre 1983, deux astrophysiciens d’Oxford, C.J. Humphreys et W.G. Waddington, ont repris, dans la revue "Nature", les Actes des
apôtres où le prophète Joël est cité par saint Pierre : « Le soleil se changera en ténèbres, et la lune en sang, avant que ne
vienne le jour du Seigneur, grand et glorieux. ».
Pilate aurait parlé aussi de ce phénomène de lune rouge dans une lettre à l’empereur Tibère (lettre attribuée à Pilate), cela supposerait
que la date fût le 3 avril 33 (seule éclipse lunaire visible à Jérusalem en période pascale entre les années 26 et 36, période où Pilate était préfet de Judée).
Finalement, c’est le Concile de Nicée (en 325) qui a décidé de fixer définitivement chaque année la fête de Pâques au dimanche suivant la
pleine lune qui a lieu juste après l’équinoxe de printemps (cette année, la pleine lune a eu lieu ce lundi 18 avril 2011, donc, Pâques est dimanche 24 avril 2011). Mais cela reste assez
arbitraire.
Pour conclure aussi mon précédent article, revenons à la foi et à ce que dit très lucidement saint Paul de cette Passion du Christ : « Si Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est vide et vide aussi votre foi. (…) Et si Christ n’est pas ressuscité, votre foi est illusoire,
vous êtres encore dans vos péchés. (…) Si nous avons mis notre espérance en Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. » (première lettre aux Corinthiens).
En clair, ce texte de
la Passion, en quatre versions à la fois convergentes et différentes, est un texte fondateur. En dehors de son aspect spirituel (qui n’appartient qu’à la conscience individuelle de
chacun), son influence sociale et culturelle a effectivement très fortement marqué l’humanité…
Joyeuses Pâques !
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (23 avril 2011)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Texte selon saint Matthieu.
(Illustrations : 1e Salvador Dali ; 2e Edvard Munch)
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-passion-du-christ-2-quel-est-le-92689