Il ira à Benghazi, c'est promis. Quand ? Plus tard. Il « ne cèdera pas » sur la prime des salariés d'entreprises à dividendes. Combien ? A voir. Quand ? Si les dividendes progressent. Il « veut » un TGV en Normandie dès 2017. Avec quel argent ? Pas le sien. Plus que jamais, Nicolas Sarkozy abuse de ce volontarisme verbeux qu'il aimerait faire passer pour de l'action.
Pour cette semaine anniversaire d'un sinistre 21 avril 2002, le candidat a publié son bilan, avec un an d'avance, voulu jouer social devant des ouvriers boudeurs, et toujours chef de guerre devant une situation libyenne qui s'enlise.
Inquiétude électorale
Marine Le Pen entre dans le classement iconoclaste du Time Magazine des 100 personnalités les plus influentes du globe. Elle caracole dans tous les sondages d'intentions de vote aux premier tour. Cette semaine, le 9ème anniversaire du 21 avril 2002, a suscité quelques pétitions, à gauche, et déclarations, à droite. Les uns voudraient un rassemblement de l'opposition. Les autres s'inquiètent de l'impopularité du Monarque. Un ancien ténor centriste, Alain Lamassoure, a publiquement réclamé des primaires à droite. Le député UMP Hervé Mariton a confié qu'il y a « une inquiétude croissante dans la majorité ». Un autre parle de « vrai malaise au sein du groupe et même au sein du parti ». D'autres préfèrent rester anonymes pour exprimer leur stress.
A l'Elysée, Sarkozy sur-joue, comme toujours, la confiance. La semaine dernière, il disait « bien sentir » cette campagne aux députés UMP invités à l'Elysée. Il promet d'« exploser » son futur concurrent socialiste. Est-il si zen que cela ?
Vendredi, l'Elysée a publié un livret de 78 pages sur le mirifique bilan des 4 années de présidence Sarkozy. 5.000 exemplaires pour les leaders d'opinion. Pour qui se prend-t-il ? Et pourquoi donc faire le bilan ... un an avant l'élection ? Pour évacuer les critiques suffisamment tôt dans la campagne et libérer l'agenda politique des prochains mois. C'est une belle arnaque. Conservons donc ce curieux livret pour plus tard. Il sera toujours temps, en janvier prochain, de rappeler un à un les échecs du Monarque.
Bluff social
La semaine devait être sociale. Lundi, Nicolas se reposait encore, avec Carla. Mais dès mardi, le candidat visitait une fonderie puis des maires UMP, au nord de Charleville-Mézières, dans les Ardennes. Le symbole se voulait fort, un retour sur les terres de cette France ouvrière qui « travaille ».
Le 18 décembre 2006, le candidat Nicolas avait célébré, pas très loin de là, la France qui souffre, « celle des travailleurs pauvres », « la France qui croit au mérite et à l’effort .» Il avait promis le « Travailler plus pour gagner plus », la suppression des exonérations de charges sociales pour les entreprises profitables, la fin des décès de SDF « dans les deux ans », et plein de choses encore. Pauvre Sarkozy, plus personne ne le croit. Sur toutes les ondes, tous les médias, même chez ceux qui relayaient complaisamment les slogans creux du candidat d'alors, on rappela le chômage de masse, le pouvoir d'achat en berne, la plus faible progression des salaires depuis 10 ans, l'échec écologique, et l'inflation qui redémarre.
Lundi, les Echos dévoilèrent les orientations qui prévaudront à l'élaboration du dernier budget public de Nicolas Sarkozy avant le scrutin de 2012. Le document officiel, préparé par les services de François Baroin, devait rassurer les marchés et les agences de notations. On y lit donc que Sarkozy croit au père Noël : selon lui, les tarifs du pétrole vont baisser dès le mois prochain, et pour les 3 prochaines années. On se retient de rire. On nous promet une croissance à 2,5% en 2012. Côté rigueur, rien de nouveau : le salaire des fonctionnaires sera gelé également l'an prochain.
Un autre plan d'économies et de déremboursement sera mis en oeuvre l'an prochain pour contenir la progression des dépenses de santé. Le coût de l'indemnisation du chômage baissera en 2012. A la Vrigne-aux-Bois, le candidat parla 25 minutes à peine, devant des ouvriers en bleu de travail. 600 d'entre eux (sur 800) avaient boudé sa venue. Sarkozy était inspiré : «D'abord une usine, c'est beau.» Ou encore : « Dans une usine, on peut pas tricher, on peut pas s'enfermer dans son bureau ». Il testa quelques slogans de pré-campagne, comme « travailler 35 heures sans être respecté, c'est un enfer. » Sarko-le-touriste cherchait ses formules. Aucune ne fit mouche.
Il fustigea les 35 heures du siècle d'avant, se félicita de la suppression de la taxe professionnelle et sa fameuse réforme des retraites. A propos, le document gouvernemental de cadrage budgétaire rappelait que cette dernière réforme était sans impact sur le déficit budgétaire à compter de ... 2015.
Surtout, le candidat s'expliqua sur le fameux dossier de la prime de 1.000 euros. Quelle affaire ! Il y a deux ans, le Monarque promettait le partage de la valeur ajoutée en trois tiers (actionnaires, salariés et entreprises), quitte à légiférer dans les trois mois. Evidemment, il n'en fut rien. Cette fois-ci, il a lancé un « faux » débat sur une hypothétique prime sociale en cas de dividendes. Et écoutez-le bien ! Il ne cèdera pas sur cette prime qui sera (1) facultative et partiellement payée par l'Etat pour les sociétés de moins de 50 salariés, (2) négociable pour les autres, (3) uniquement si les dividendes progressent d'une année sur l'autre... Une vraie tartufferie. A peine 20% des salariés du secteur privé seront concernés.
Obsession sécuritaire
Les thèmes sécuritaire et migratoire ne furent pas oubliés. Dimanche Mardi, le ministre du Travail Xavier Bertrand souhaitait réduire la liste des métiers ouverts à l'immigration professionnelle, à cause des « tensions » actuelles du marché de l'emploi. Faire croire que 30.000 immigrés légaux pour motif professionnel chaque année ont un quelconque rapport avec l'ampleur du chômage est une belle et ignoble supercherie.
Vendredi, l'Elysée reprend une idée de Marine Le Pen. Pour 20 ou 30.000 immigrés tunisiens, il faudrait suspendre l'accord de Shenghen : « il faut réfléchir à un mécanisme qui permette, lorsqu'il y a une défaillance systémique à une frontière extérieure de l'UE, d'intervenir en prévoyant une suspension provisoire, le temps que la défaillance soit réglée ». Le 17 avril, la France avait stoppé quelques heures durant des trains en provenance d'Italie. Ni Le Pen ni Guéant n'expliquèrent comment la Tunisie devait gérer l'arrivée de 300.000 réfugiés de la Libye voisine. Le ministre des affaires étrangères Alain Juppé s'est rendu mercredi à Tunis, avec une belle enveloppe de 350 millions d'euros, sur 2 ans, pour aider la jeune démocratie à son redressement. Mais rien n'est prévu pour les tensions frontalières. Quant à la suspension des accords de Shenghen, c'est déjà possible, mais sous conditions d'urgence. Et à écouter les cris d'orfraie des Sarkozy et Guéant, on pourrait penser que ces dernières sont largement remplies !
Officiellement, le Monarque s'affiche toujours très volontaire pour soutenir les insurgés de Benghazi. Sur la Syrie, où encore 70 personnes ont été tuées en une seule journée par les forces de répression du dictateur Al-Assad, il ne dit rien. Mais pour les Libyens, il est actif. Il a même promis de venir à Benghazi, sans préciser d'échéance. La France envisage également une intervention militaire pour soutenir une action humanitaire dans les villes rebelles. Mais l'ONU n'en veut pas. Une dizaine de conseillers militaires ont été envoyés, après que le Royaume Uni ait fait de même lundi dernier. Sarkozy craint l'enlisement. Il a raison. Vendredi, le chef d'état major interarmes américain s'est montré très pessimiste sur la situation libyenne : « nous nous dirigeons certainement vers une impasse.»
Jeudi, Claude Guéant a ressorti la police de proximité - pardon - les « patrouilleurs ». Il veut répondre à l'une des grosses critiques contre la politique sécuritaire du Monarque anciennement Premier Flic de France : Sarkozy a vidé les quartiers et les rues de présence policière, pour lui préférer des BAC, GIR et autres brigades d'intervention musclée qui débarquent sans connaître.Voici qu'il redéploie, enfin, quelques forces de police dans nos rues.
Affaires secrètes
Jeudi, Fillon faisait publier sur le site internet du gouvernement les déclarations d'intérêts de ses ministres. Il l'avait promis au plus fort des affres tunisiens de Michèle Alliot-Marie. En fait, le périmètre des informations publiées est si restreint que l'exercice n'a pas servi à grand chose : même les fonctions et postes des conjoints et proches des membres du gouvernement ne sont pas mentionnés ! Brigitte longuet, Jérôme Pécresse, et Michèle Alliot-Marie peuvent dormir tranquille...
En fin de semaine, pourtant, il fallait se rappeler de quelques sales affaires et mauvaises histoires de Sarkofrance. La réforme fiscale d'abord. Un article dans le Canard Enchaîné a semé le trouble chez celles et ceux, malheureusement encore nombreux, qui avaient trop rapidement lu la réforme de la fiscalité du patrimoine brièvement présentée la semaine précédente. Le gouvernement va bien supprimer le bouclier fiscal... mais plutôt en 2012. En revanche, l'allègement parallèle de l'ISF est bien prévu dès 2011... C'est une question de « visibilité politique », a expliqué le sénateur UMP Philippe Marini. Ben voyons ! C'est surtout le plus gros cadeau fiscal offert aux plus riches de tout le quinquenat, s'est indigné l'économiste Thomas Piketty.
Aux Etats-Unis, une journaliste persévérante publie un long article sur les affaires affectant Guy Wildenstein. Cet ami du président, représentant de l'UMP pour la Côte Est des Etats-Unis, grand collectionneur et marchand d'art, est au centre de plusieurs polémique. Sa belle-mère (décédée l'an dernier) puis sa belle-soeur ont porté plainte contre lui pour détournement d'héritage. Quand les enquêteurs l'ont perquisitionné ses bureaux parisiens en janvier dernier, ils ont saisi une trentaine d'oeuvres portées disparues depuis la Seconde guerre mondiale. Eric Woerth puis François Baroin sont soupçonnés, par les avocats des plaignantes, d'avoir protégé l'ami Guy de toute enquête fiscale.
Sur l'affaire Karachi, l'enquête est freinée par François Baroin. Près de 800 liasses fiscales, relative à un autre contrat de ventes d'armes qui mentionnait les mêmes deux intermédiaires pro-Balladuriens que dans la vente des sous-marins au Pakistan, ont été classées secret défense. Et cette semaine, François Baroin, ministre du Budget, qui promettait pourtant la plus grande transparence, a refusé de lever cette protection. Mais les juges van Ruymbeke et Le Loire sont têtus.
Sur Twitter, vendredi soir, le magazine Closer annonçait que Carla Bruni était enceinte. Quand la nouvelle sera confirmée, on se dira que le timing est parfait. Un bébé, juste quelques mois avant le scrutin, quelle maîtrise !
Pour la campagne.
On y est.
Ami sarkozyste, où es-tu ?