La mémoire vide des temps informatisés

Par Benard

LE MONDE DES LIVRES | 21.04.11 | 18h37  •  Mis à jour le 22.04.11 | 08h0

Un généticien littéraire sonne le tocsin. Le phénomène est rare. Et si un spécialiste de l'interprétation des oeuvres littéraires d'après les archives de la création (brouillons, plans, épreuves corrigées, notes diverses, carnets, rebuts, chutes et tous documents de genèse) s'autorise une telle procédure d'urgence, c'est qu'il doit vraiment y avoir péril en la demeure. D'autant que Pierre-Marc de Biasi agit ès qualités, en directeur de l'Institut des textes et manuscrits modernes, le fameux ITEM qui a précisément fondé et développé cette jeune discipline au sein du CNRS. On s'y soucie avant tout de reconstituer le processus mental à l'origine de la création d'une oeuvre artistique, ses étapes, son parcours, ses obstacles. 

Le cri d'alarme de ce flaubertien est lancé sur la base d'un constat : depuis une vingtaine d'années que la majorité des créateurs s'est convertie au numérique, il ne reste plus aucune trace génétique interprétable de leur travail, qu'il s'agisse des écrivains comme des historiens, des philosophes, des chercheurs. Plus rien quand on aurait cru que les fabuleuses facultés de la mémoire informatique allaient les conserver comme jamais auparavant. D'où l'appel à une prise de conscience lancé aujourd'hui par Pierre-Marc de Biasi :“Avec la destruction de la possibilité de la mémoire, nous rendons notre futur orphelin de nous”, dit-il.

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