- Le désastre américain
La technique d’exploitation du gaz de schiste, par facturation hydraulique, demande l’utilisation massive d’explosifs, de litres d’eau par millions et de centaines de produits chimiques dont la dangerosité est désormais mise en lumière. Le 26 février dernier, le New-York Times appelait l’Amérique à ouvrir les yeux sur la réalité des impacts sanitaires et environnementaux de l’exploitation du gaz de schiste. Le célèbre quotidien n’a pas lésiné sur les moyens nécessaires au déchiffrage des quelques 30 000 pages de documents confidentiels provenant de l’agence américaine de protection de l’environnement, l’EPA, et de différentes sources internes à l’industrie. Alors perçu comme un trésor inespéré et une réponse viable aux problématiques énergétiques actuelles, le verdict est finalement tombé et n’est pas des plus réjouissants, bien au contraire. Telle une bombe, le journal a annoncé la radioactivité des eaux de forage, qui sont déversées dans les nappes phréatiques avoisinantes aux puits d’exploitation. En effet, ces documents révèlent que les eaux usées sont parfois acheminées vers des stations d’épuration n’ayant pas les compétences pour les traiter puis déversées dans des rivières servant au ravitaillement d’eau potable.
Un rapport rédigé par la Commission de l’Énergie et du Commerce de la Chambre des Représentants des États-Unis souligne que cette technologie, controversée en raison de ces dégâts sur l’environnement, a nécessité entre 2005 et 2009 l’utilisation de plus de 2.500 produits chimiques dont des substances cancérigènes et polluantes.
- La France se rallie à la cause
Depuis, l’affaire défraye les chroniques en France depuis la publication de ces informations par le journaliste Fabrice Nicolino. La mobilisation bat son plein et les réfractaires au gaz de schiste prononcent haut et fort leur réticence à voir, un jour, des sites d’exploitation poussés comme des champignons sur le territoire français. A l’annonce de ces révélations pour le moins inquiétantes, le gouvernement n’a pas tardé à prendre les mesures adéquates afin de freiner les contestations et rassurer les français. Instauré par Nathalie Kosciusko-Morizet et prolongé par François Fillon, le moratoire de 6 mois sur l’exploitation et les recherches du gaz de schiste partout, sera mis à profit par une commission composée du conseil général de l’environnement et du développement durable pour établir un rapport et des conclusions qui permettront au gouvernement de prendre la meilleure décision.
Le maire de Melun, Monsieur Gérard Millet, commune sujette à des projets d’exploration, déclarait hier dans un communiqué de presse, que « Le gaz de schiste est un gaz naturel dont la particularité est d’être disséminé dans les micro-poches d’un millefeuille de schiste à plus de 2000 mètres de profondeur. Jusqu’ici il était trop coûteux de l’exploiter mais la raréfaction des énergies fossiles a conduit à en faire une énergie rentable. Ce qui a mon sens va à l’envers du cours de l’histoire où l’épuisement des ressources polluantes doit nous amener à investir dans les énergies renouvelables et non à forer les sols au mépris des équilibres naturels. »
- Un premier rapport d’étape
Un premier rapport d’étape a été remis hier par le Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGIET) et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) afin d’éclairer le gouvernement sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux des hydrocarbures de roche-mère (gaz et huiles de schiste).
Economiquement parlant, les révélations restent timides, faute de ne pas encore avoir réalisé de travaux d’exploration. En effet, comment serait-il possible de calculer le rendement de telle exploitation si l’on ne sait pas au préalable la quantité disponible sur le territoire ? « Toutefois, l’intérêt que portent à notre pays les grands opérateurs pétroliers et gaziers et les compagnies nord-américaines spécialisées dans l’exploitation des hydrocarbures de roche-mère, ainsi que les investissements qu’ils se proposent de consentir, attestent de l’ampleur du potentiel. D’un point de vue technique et économique, la probabilité que l’accès à ces gisements permette à notre pays, à un horizon temporel à préciser, de réduire très sensiblement ses importations d’hydrocarbures et de limiter d’autant le déficit de sa balance commerciale n’apparaît pas négligeable » notifie le rapport.
Aucune surprise, en revanche, sur le plan écologique : les élus et associations ont exprimé de fortes préoccupations en matière de prélèvement sur la ressource en eau et de risques de pollution. En particulier, la pertinence d’une exploitation d’hydrocarbures non conventionnels apparaît problématique dans certains territoires dont l’économie repose sur l’image de marque, l’agriculture et l’activité touristique.
Le rapport souligne toutefois qu’il serait dommageable, pour l’économie nationale et pour l’emploi, que notre pays aille jusqu’à s’interdire, sans pour autant préjuger des suites qu’il entend y donner, de disposer d’une évaluation approfondie de la richesse potentielle : accepter de rester dans l’ignorance d’un éventuel potentiel ne serait cohérent ni avec les objectifs de la loi POPE, ni avec le principe de précaution. Mais, pour ce faire, il est indispensable de réaliser des travaux de recherche et des tests d’exploration.
- Avis de Sequovia
Compliqué direz-vous ? Certes, le débat entre écologistes d’un côté, et grands groupes énergétiques de l’autre ne prendra véritablement fin que lorsque la raison l’aura emporté sur la folie. Nous devons tirer des leçons de nos erreurs et nous donner les moyens de pallier à l’épuisement des ressources naturelles de manière intelligente et durable. La question centrale ne réside pas dans la simple recherche de profit mais doit plutôt s’axer sur une question existentielle : en quoi le profit et la réussite économique nous sera utile dans la mesure où les projets qui rapportent sont dommageables à l’homme et à sa survie ?