Manu Larcenet – BLAST, L’apocalypse selon Saint Jacky

Par Yvantilleuil

Sentiment de liberté en marge de la société !

Ce nouveau pavé de 200 pages, deuxième volet d’une série qui en prévoit cinq, poursuit l’interrogatoire de Polza Mancini, toujours en garde à vue pour les méfaits qu’il a commis. Les policiers tentent de reconstruire le puzzle des événements et si la culpabilité du suspect ne fait aucun doute, les motivations de son acte barbare demeurent cependant inconnues.

A coup de flashbacks, le lecteur poursuit le compte-rendu de cet homme qui a abandonné son foyer pour se mettre en marge de la société, à la recherche du BLAST, cet état second qui lui permet de s’évader d’une réalité qui ne lui a jamais vraiment souri. Une descente aux enfers certes rythmée par la prise d’alcool, de médicaments et de drogues, mais également accompagnée d’une bouffée de liberté et d’une communion avec la nature et marquée par quelques rencontres surprenantes. Dans ce deuxième volet, c’est surtout la rencontre avec Jacky Jourdain, un dealer SDF, qui va intéresser les policiers et procurer un nouveau BLAST à Polza, suite à une consommation d’héroïne.

Manu Larcenet prend à nouveau tout son temps pour narrer l’histoire de son personnage, alternant des passages muets pourvus d’une grande force évocatrice et des passages plus verbeux où chaque mot semble néanmoins pesé. Une justesse narrative qui permet de toucher à la personnalité de cet homme et d’aller bien au-delà de sa grasse carcasse, créant énormément d’empathie envers cet homme au casier judiciaire presque aussi imposant que sa masse corporelle. Physiquement, l’homme obèse et répugnant n’a rien pour plaire, mais dans le fond, cet écrivain de profession a quelque chose de poétique et de touchant. C’est avec grand intérêt que le lecteur accompagne l’errance de cet individu en rupture avec la société et qui, depuis sa « tendre » enfance est mis à l’écart. Un long voyage introspectif à la recherche du prochain BLAST, cet instant magique où il s’est évadé de son corps pour entrer en communion avec le monde, ce sentiment de plénitude qui, un bref instant, le libère de tous ses maux. Usant d’une narration proche de la perfection, l’homme se livre, partage ses angoisses, ses divagations, ses malaises vis-à-vis de la société et ses réflexions sur le sens de la vie. Un parcours (sur)prenant qui permet à l’auteur d’aborder des thèmes qui lui sont chers, tels que la mort paternelle, l’angoisse, la dépression, l’automutilation et le rejet de l’obésité.

Graphiquement, nuançant le noir et le blanc avec brio, Manu Larcenet livre une ambiance sombre et glauque et des personnages répugnants, mais d’une grande expressivité. Si les dialogues lors de l’interrogatoire sont accrocheurs et les monologues du personnage central prenant, les moments plus contemplatifs et les silences proposés par l’auteur allient force et splendeur. Et que dire de ces dessins d’enfants (les siens), tout en couleurs, qui viennent interrompre le ballet grisâtre pendant les BLAST ? Merveilleux !

Vivement le prochain BLAST !

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