Un certain Barthélémy avait chantépour le défunt :
« … oh je n’ai pas voulu, dans la ville muetteQue ton convoi passât sans un cri de poète…Puisse-t-elle calmer, dans les remparts des villesLe terrible ouragan des tempêtes civiles »(Extraits).
Pour le calme et l’ouragan il sera servi, le Barthélémy.
Si le cortège dans un premier temps est escorté du recueillement populaire, la tempête ne tardera pas. Nous avons, face à face, des jeunes républicains qui n’attendent qu’une occasion de renverser le régime et un gouvernement qui désire montrer sa force.Ajoutons à cela, un emblème, un drapeau, une chaleur qui étouffe, un ciel couvert de gros nuages noir. Le cocktail est prêt. Agitez le tout et il ne manque plus qu’une étincelle pour provoquer l’explosion. Qui a amorcé l’affaire ?On ne sait, probablement les deux partis. Le déchaînement républicain prend la forme d’une émeute qui se transforme rapidement en un soulèvement général. Fusils, barricades, canons apparaissentdans les rues de Paris.C’est une vieille habitude dans cette ville.Alexandre Dumas, alors âgé de vingt-sept ans, ardent républicain, participe à la bataille aux côtés des insurgés. Les combats contre les troupes loyalistes vont durer deux jours.Lutte inégale, les républicains seront refoulés puis écrasés.On dénombrera huit cents morts dans cette désastreuse affaire.
Quelques jours après ces événements, le bouillant Alexandre apprit par la presse une bien singulière nouvelle.Du genre à vous inquiéter, surtout pour votre pension.
Le 9 juin, encore dans son lit, il lut dans un journal royaliste, qu’il avait été pris les armes à la main, jugé par une cour militaire pendant la nuit, et fusillé à trois heures du matin. La nouvelle avait un caractère officiel, elle venait d’une source sûre.Le rédacteur de l’article, d’habitude hostile à Dumas, disait de lui, pour la première fois, le plus grand bien. Il était donc évident que ce brave garçon était complètement convaincu de la mort d’Alexandre.Notre écrivain eut un doute.Était-il toujours vivant ? Il se leva, courutvers le premier miroir qu’il rencontra.Il se reconnut devant la glace.Le scoop ! Alexandre Dumas n’était point mort.
A cet instant, on sonna à sa porte.Un messager apportait un courrier de Charles Nodier. Ce billet était libellé en ces termes :
« Mon cher Alexandre, Je lis à l’instant, dans un journal, que vous avez été fusillé hier à trois heures du matin ; ayez la bonté de me faire savoir si cela vous empêchera de venir demain, à l’Arsenal, dîner avec Taylor ».
Devait-il venir à l’Arsenal avec son fusil ? L’histoire ne le dit pas.J.D.