Le cèdre de l’Atlas menacé par l’abattage illégal

Publié le 21 avril 2011 par Massolia

Dépêche

Ajdir — L’abattage clandestin menace le majestueux cèdre de l’Atlas, si prisé des ébénistes, risquant de perturber l’équilibre écologique d’une région abritant la principale réserve d’eau du Maroc.

Ce conifère, dont l’essence éloigne les insectes, est une richesse naturelle du royaume qui en compte 134.000 hectares.

Dans la forêt d’Ajdir, au coeur du Moyen-Atlas (centre), les cèdres imposants qui couvraient jadis toutes les montagnes « se comptent désormais sur les doigts de la main », constatent avec amertume les habitants, surtout berbérophones.

« Chaque année des milliers d’arbres, dont certains vieux de plusieurs siècles, sont abattus illégalement avec la complicité notamment de quelques gardes forestiers », a déclaré à l’AFP Aziz Akkaoui, de l’Association marocaine des droits humains (AMDH).

Sur les 134.000 hectares de cédraies du Maroc, la plupart sont au Moyen-Atlas. Mais le trafic de son bois menace l’existence de ce conifère utilisé notamment pour fabriquer des meubles, signes d’opulence dans les grandes demeures du Maroc.

A une dizaine de mètres d’un poste de gardes forestiers, face à un lac cerné par la forêt, gît le tronc d’un cèdre abattu.

« Cet arbre a été abattu à la scie, qui émet un bruit que les gardes forestiers peuvent facilement entendre », observe M. Akkaoui, sous-entendant leur complicité.

« Il y a les braconniers qui coupent le cèdre illégalement, les menuisiers qui achètent le bois, il y a certains agents corrompus des Eaux et Forêts, certains agents corrompus de la Justice. Donc, on peut parler de mafia du cèdre, une mafia organisée », conclut-il.

Crédit: AFP

Dans la forêt, certains habitants reconnaissent s’être livrés à l’abattage illégal, pour survivre dans une région montagneuse dépourvue d’activité économique.

Un cèdre met près de 30 ans pour atteindre l’âge adulte et peut rapporter à celui qui le coupe illégalement jusqu’à 800 euros. S’il est vendu légalement, il rapporte jusqu’à trois fois plus à la commune où il a été coupé.

« On coupe des arbres parce qu’on n’a pas le choix. Il n’y a rien ici. Mais pour couper un arbre, tu es obligé de donner des pots-de-vin au forestier: entre 2.000 dirhams et 3.000 dirhams, ça dépend », confie Ahmed, un villageois.

« Chaque fois qu’un groupe d’habitants veut aller couper un arbre, il donne au garde-forestier une certaine somme », explique-t-il.

Chaque année, les communes de la région organisent des « coupes » pendant lesquelles les cèdres sont vendus aux enchères. Ces opérations rapportent à chaque commune un million d’euros par an environ. Mais les habitants, furieux, affirment ne pas profiter de cette richesse.

« Regardez autour de vous, il n’y a rien. Ici on vit dans la misère. Pourquoi est-ce qu’on ne profite pas des revenus de notre commune après les ventes légales des cèdres »
- Ahmed, habitant de la région

« On n’a pas de travail, pas d’écoles, pas d’hôpitaux. On demande des emplois, des équipements, des projets pour nous aider, pour que nos conditions de vies s’améliorent », conclue Ahmed, un habitant de la région.

Les responsables de la direction des Eaux et Forêts réfutent pour leur part les accusations des villageois.

« Quand on attrape quelqu’un, forcément il va accuser le garde forestier. Mais il n’a pas de preuve incontestée pour dire qu’il a donné de l’argent au garde forestier », a déclaré Mohamed Chedid, du centre de développement et de protection des ressources forestières.

Pour l’universitaire Abdeslam Ouhejjou, « l’abattage incontrôlé du cèdre entraîne une érosion et une désertification, qui menacent l’équilibre écologique de l’ensemble de la région ».

« Les forêts du Moyen-Atlas sont la principale réserve d’eau du Maroc et tout déséquilibre a des répercussions au niveau de l’ensemble du pays », prévient-il.

AFP