Magazine Cinéma
Kim Jee-Woon, metteur en scène du très bon A
bittersweet life et de l'acclamé I saw the devil (sortie en juillet prochain), réalisait en 2003 Deux soeurs, oeuvre fantastico-psychologique de pacotille, dont les
promesses des premières minutes laissent peu à peu la place à un abyssal ennui doublé d'un twist dont le ridicule achevé n'a d'égal que le caractère artificiel de l'entreprise.
S'inscrivant dans la mouvance du renouveau du cinéma fantastique asiatique de la fin des 90's / début des années 2000 (Ring, Dark water et consorts),
Deux soeurs s'inscrit comme une approche davantage psychologique du genre qu'il investit, parti-pris louable au demeurant, mais dont le metteur en scène s'acquitte avec une artificialité
qui confine à l'arnaque pure et simple.
Et pourtant, cela commençait bien. Le film débute par l'interrogatoire d'une jeune fille par un médecin dans un hôpital que l'on imagine psychiatrique. La patiente
reste muette devant les questions qui lui sont posées, et après quelques minutes, le récit se poursuit par un flash-back qui constituera le reste du métrage. Nous découvrons
alors deux soeurs arrivant en voiture avec leur père dans une maison au bord d'un lac. A l'intérieur de la demeure les attend leur belle-mère. Les relations conflictuelles entre
les deux jeunes filles et leur hôte ne cesseront dès lors de s'accroître. La mise en scène de Kim Jee-Woon lors de cette séquence d'arrivée au lac est alors aérienne, feutrée, l'atmosphère
est envoûtante, et l'on se laisse happer avec délice par le caractère ennivrant des images et des mouvements de caméra. Par ailleurs, les décors de l'intérieur de la maison participent de
cette ambiance calfeutrée et hors de temps, et l'on se trouve véritablement transporté par les images et le rythme du métrage.
Le plaisir sera malheureusement de courte durée. En effet, l'envoûtement se transformera peu à peu en ennui, le metteur en scène s'investissant dans des séquences
répétitives (multiplication des conflits belle-mère/belles-filles), distillant un mystère finalement plus pénible qu'autre chose tant l'ensemble sonne faux (aucune empathie envers les
personnages), et nous servant en prime l'image de la jeune fille fantôme aux cheveux longs (plus cliché tu meurs).
Au terme d'une narration laborieuse et de plus en plus pénible (l'ensemble se traîne comme une baleine échouée sur la grève), Kim Jee-Woon nous balancera un twist à
deux centimes justifiant tout ce qui a précédé, révélation finale totalement improbable et d'un degré de crédibilité frôlant le zéro absolu. Il faut un certain talent pour se permettre de mener
le spectateur par le bout du nez et lui faire accepter au final de remettre en cause tout ce qu'il vient de voir. Kim Jee-Woon, lui, s'en tamponne le coquillard que le spectateur y crois ou pas.
La grossièreté de sa révélation, l'absence de toute subtilité dans le dénouement de son métrage et l'évidente absence de talent du metteur en scène pour trousser un film à twist font de Deux
soeurs une catastrophe quasi-totale, tout juste sauvée par quelques plans inauguraux. Sur 1h50 de métrage, cela fait pâle figure.