Et les chiens se taisaient, d'Aimé Césaire

Par Onarretetout

J’ai suivi le conseil de Michèle Césaire. Et, bien que je ne sois pas metteur en scène, j’ai lu Et les chiens se taisaient, texte qui suivait Les armes miraculeuses dans ma bibliothèque. J'avais lu les poèmes mais pas la pièce de théâtre. Il m’a fallu du temps pour arriver à cette lecture. Un livre acheté il y a un peu plus de 30 ans, et rangé dans mes rayonnages entre André Breton et René Char, qui m’a suivi de déménagement en déménagement et vient de s’ouvrir comme certaines graines donnent naissance à des plantes après des années de dormance. Il lui a fallu un terrain propice, des conditions favorables : le travail avec Chantal Loïal pour le spectacle On t’appelle Vénus, la lecture du Cahier d’un retour au pays natal, un voyage en Martinique et toutes les rencontres à Fort-de-France, à Sainte Marie et ailleurs, le spectacle de Michèle Césaire et Rudy Sylaire Une saison chez Césaire

Et lisant parfois à voix haute ce texte de théâtre, j’entendais en moi, comme en écho, Les Epiphanies d’Henri Pichette (pas pour le thème, bien sûr, mais parce que les personnages n'ont pas de nom, et par la nécessité de l'oralité), et certains textes d’André Breton. Le surréalisme est présent dans l’écriture d’Aimé Césaire, un surréalisme insurrectionnel, les mots charriant des mots, et dont le bruit fait comme des pas qui courent en pleine lumière, dans l’obscurité, dans les broussailles. « Je marche… J’assume… J’embrasse… » Et meurt le rebelle, c’était annoncé. Mais il meurt après avoir bousculé l’architecte « d’un monde de pestilence ». Après avoir compris « mes frères les marrons le mors aux dents / mes frères les pieds hors clôture et dans le torrent / ma sœur l’étoile filante, mon frère le verre pilé / mon frère le baiser de sang de la tête coupée au plat d’argent / et ma sœur l’épizootie et ma sœur l’épilepsie / mon ami le milan / mon ami l’incendie / chaque goutte de mon sang explose dans la tubulure de mes veines / et mon frère le volcan aux panses de pistolet / et mon frère le précipice sans rampe de balisiers / et ma mère la folie aux herbes de fumée et d’hérésie / aux pieds de croisade et de bâton / aux mains d’hivernage et de jamais / et de jujubier et de perturbation et de soleil baïonnetté ».

Et cette « tête coupée au plat d'argent », c’est un « soleil cou coupé », pas celui d’Apollinaire, mais, image récurrente, celle d’un Hottentot, peut-être.