La bibliothèque, média du temps long

Par Benard

Par Jean-Michel Salaun le lundi 18 avril 2011, 04:51 -Bibliothèques-Lien permanent

Robert Darnton vient de publier un nouvelarticledans lequel il dénonce cinq mythes au sujet de l'âge de l'information. Voici la traduction du quatrième :

«Les bibliothèques sont périmées». Partout dans le pays (USA) les bibliothécaires signalent qu'ils n'ont jamais eu autant de public. À Harvard, notre salle de lecture est pleine. Les gens s'entassent dans les 85 antennes du réseau public de bibliothèques de New-York. Les bibliothèques fournissent comme toujours des livres, des vidéos et d'autres documents mais elles remplissent aussi d'autres fonctions : l'accès à l'information pour les petites entreprises, l'aide aux devoirs et autres activités après l'école pour les enfants, les informations pour les offres d'emploi pour les chômeurs (la disparition des petites annonces d'emploi dans les journaux imprimés ont rendu l'accès en ligne par la bibliothèque crucial pour les chômeurs). Les bibliothécaires répondent aux besoins de leurs usagers de nombreuse façons inédites jusqu'ici, par exemple en les guidant dans la jungle du cyberespace jusqu'aux matériaux numériques pertinents et fiables. Les bibliothèques n'ont jamais été des entrepôts de livres. Tout en continuant à fournir des livres, elles seront à l'avenir des centre nerveux pour la communication de l'information numérique aussi bien à l'échelle du quartier que sur les campus universitaires.

Cela m'a rappelé un chapitre sur l'économie des bibliothèques que j'ai écris pour un manuel à paraître cet automne sur l'économie du patrimoine. Voici un cours extrait du début :

«Si l’histoire des bibliothèques ne se confond pas avec celle de l’humanité, elle est néanmoins très longue, bien plus longue que celle des médias classiques, parallèle à celle de l’accumulation et de la transmission des connaissances depuis qu’elles sont consignées sur un support grâce à l’écriture. On trouve les premières traces de bibliothèques dans l’Antiquité dès le début de la construction des civilisations et parallèle à celle des empires en Assyrie, en Égypte, en Grèce, en Chine. Chaque fois, elles furent un lieu de conservation des documents tout autant qu’un lieu de leur production, par la copie des exemplaires, nécessitée par la fragilité des supports qu’il fallait renouveler, et par la volonté de diffuser les documents.

Beaucoup plus tard vers les 12e et 13e siècles pour la Corée et la Chine et le milieu du 15e siècle pour l’Europe, l’invention de l’imprimerie à caractères mobiles a entraîné l’externalisation de la reproduction matérielle des documents qui a quitté alors le giron des bibliothèques pour devenir une des premières industries des temps modernes. Une activité économiquement autonome de production et diffusion des livres s’est organisée progressivement à partir tout d’abord des imprimeurs-libraires. Puis vers la fin du 18e siècle, l’économie commerciale du livre s’est construite autour de la figure de l’éditeur telle que nous la connaissons aujourd’hui (Mollier,2003).

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