Lucile et Damis sont promis l'un à l'autre et tous deux manifestent une ferme réticence à l'engagement du mariage. Jusqu'au jour où ils se rencontrent et où le charme opère. Chacun se retrouve à la fois prisonnier de son serment et réfractaire à l'idée d'être le premier à le transgresser.
Indiscret est un mot avec lequel on entretient une certaine confusion. Ce ne sont jamais les questions qui manquent de discrétion mais ... les réponses. Ainsi l'amour de Lucile pour Damis éclate-t-il au grand jour alors que les protagonistes se jurent le contraire en toute bonne foi.
Tout sur la scène exprime finement cette indiscrétion qui vient de l'intérieur. En jouant avec les références dans un constant équilibre entre cacher et révéler, taire et dire. Les indices sont multiples pour faire surgir des images qui se dissolvent vivement comme les images d'un livre d'histoire que l'on feuilletterait en écoutant la pièce.
On me montre un clavecin gainé de rouge. J'entends quelques portées de notes cristallines et j'entrevois la méridienne de Madame de Staël ...
Lucile évolue dans une robe de crêpe. Je songe à Joséphine ...
Lisette fait onduler les tombées de fleurs de son tablier. Je pense au Printemps de Botticelli ...
Les rochers émoussés, luisant de lumière m'emportent sur une grève ...
Le fringant commandant de frégate, valet de Damis, semble être une parenté lointaine de Chateaubriand.
Les personnages se glissent dans le décor, s'y découpent nettement avant de dissoudre. C'est bref, c'est net, c'est léger. Dans un pur esprit romantique, et sans nuire au texte qui fait résonner le sentiment de lui pour elle et réciproquement.
L'engagement effraie les deux jeunes gens, craignant de perdre leur liberté. Il fait encore davantage peur aux domestiques, craignant de perdre leur emploi. Frontin résume la problématique : l'intérêt des serviteurs est que leurs maitres demeurent dans le célibat pour conserver leurs postes.
Sauf si ... valet et soubrette éprouvaient des sentiments de même nature. Qui sait ? Car enfin comme le reconnait Lisette le mariage pourrait bien représenter un avantage car la vie est pleine d'embarras et un mari est là pour les partager.
Marivaux est un auteur classique et on pourrait reprocher à Anne-Marie Lazarini d'avoir eu de lui une vision romantique plus proche de l'esprit de Musset. C'est ce parti pris là que j'ai apprécié jusqu'au bout. Y compris son humour qui rassemble tous les invités de la noce autour d'un perroquet surtout quand on sait que l'animal qui peut vivre jusqu'à 80 ans reste fidèle toute sa vie à la même femelle.
Les Serments indiscrets de Marivaux
mise en scène Anne-Marie Lazarini, assistée de Bruno Andrieux
décor et lumières François Cabanat, costumes Dominique Bourde
avec Jacques Bondoux, Cédric Colas, Frédérique Lazarini, Isabelle Mentré, Julie Pouillon, Dimitri Radochévitch et Arnaud Simon
Création Les Athévains au Théâtre des Artistic Athévains
mardi 20h, mercredi et jeudi 19h, vendredi et samedi 20h30, samedi et dimanche 16h, relâche lundi
45 rue Richard Lenoir, 75011 PARIS, M° Voltaire, Tél: 01 43 56 38 32 jusqu'au 24 avril 2011