Le libéralisme est décidément l’art de la falsification une fois que ce système, qui manie la peur comme arme de manipulation mentale, et dont la novlangue est l’un des outils, a pu produire ses effets.
Il fût un temps désormais éloigné où le progrès ne pouvait s’envisager que dans un cadre commun où chacun participait à hauteur de ses revenus à la solidarité envers les moins aisés, ce qui permettait à la société de se développer de façon apaisée en ne laissant pas au bord de la route des accidentés de la vie sources d’instabilité sociétale. C’était un fait acquis, une sorte de programme commun constituant le socle des décisions politiques envisagées.
Il est incroyable de constater que depuis quelques décennies s’est instauré dans l’inconscient collectif des réalités toutes autres qu’un matraquage de l’idéologie libérale dominante a ancré dans les esprits, ainsi :
- permettre aux riches de gagner plus c’est favoriser les plus pauvres;
- combattre le déficit public, c’est améliorer le quotidien de chacun;
- diminuer les impôts c’est accroitre la liberté de chacun;
- l’immigration accroit les déficits et réduit la richesse du pays;
- les chômeurs et autres bénéficiaires de minima sociaux sont des assistés qui pénalisent le plus grand nombre;
- la santé publique est un coût et le déficit de la sécurité sociale un trou.
Evidemment ma liste est loin d’être exhaustive, mais elle illustre à quel point ces affirmations peuvent désormais être débattues contradictoirement là où il y a quelques années encore, elles auraient été totalement disqualifiées.
Ce cheminement pernicieux des mentalités, qui acceptent des débats qui ne devraient pas avoir lieu, non pas parce qu’il faudrait les interdire, mais bien parce qu’il tombe sous le sens à travers une démonstration par les faits, que chacun d’eux est totalement infondé, est devenu une triste réalité.
En effet, on souligne que les riches sont de plus en plus riches en France, or qui a remarqué que les pauvres l’étaient moins ? C’est pourtant la base de la politique mise en place depuis 4 ans et la justification qui a conduit à imposer le bouclier fiscal.
Le déficit budgétaire se creusent et les français se serrent la ceinture année après années, est-ce pour autant favorable à leur bien être, sans même mettre sur la table la notion de pouvoir d’achat si contestable ? Un déficit budgétaire n’est pas néfaste en soi, il l’est en fonction de ce que l’on veut en faire. Il est évident que le creusement d’un déficit budgétaire via la réduction des recettes constitue une double peine sociale car il comprime l’activité potentielle de la puissance publique tout en accroissant la part du remboursement de la dette sans accroitre le potentiel de recettes liées au soutien de l’activité économique. Un chat qui se mord donc volontairement la queue.
En cela, diminuer l’impôt, c’est forcer les plus démunis à payer autant que les plus riches toutes ces taxes sur tous les produits de consommations courantes dont la propension à grever le budget d’un smicard est sans commune mesure avec l’impact produit sur le budget d’un millionnaire. C’est donc bien une liberté essentielle qui s’évanouit, celle du choix de son destin conditionné par les ressources dont on dispose.
Porter l’accusation, d’une vie du plus grand nombre qui se fait chaque jour plus difficile, sur un pan de la population comme les immigrés est une autre tromperie libérale qui joue sur un mécanisme de peur de ce que l’on ne connait pas et qui érige un problème avant tout social comme une difficulté liée aux origines, à la religion.
Cette façon de détourner l’attention de l’essentiel, essentiel partagé par les immigrés comme par tout le salariat, à savoir une régression constante des fruits de son travail, en focalisant l’attention sur les différences de culture, de croyance, d’histoire, est une façon de diviser les colères et les revendications pour éviter leur agrégation dans la lutte. Aucun immigré au travail ne coute plus cher qu’un autre salarié, bien au contraire, et il contribue autant à la richesse de la nation. C’est son exploitation via le travail au noir qui pénalise la société en enrichissant les plus riches au détriment des plus pauvres. L’immigration est source de développement comme toute l’histoire de France le montre, c’est juste un calcul de classe que de nous expliquer le contraire.
Le ressort est du même ordre quand il s’agit de stigmatiser les plus démunis dont on instille l’idée scélérate que s’ils sont dans la situation où ils sont, c’est par fainéantise. En les qualifiant d’assisté qu’il faudrait réprimer et en s’appuyant sur des dérives mineures mais médiatisée, on fait passer la pilule d’une réduction constante des aides qu’on leur apporte.
Il est pourtant aisé de comprendre qu’assister quelqu’un, c’est permettre à la société d’éviter de pires désagréments en terme de sécurité ou de santé publique qui couteraient bien plus cher que l’aide apportée pour permettre de passer dignement une période de vie plus difficile avant de retrouver un emploi. Personne ne perd quoi que ce soit lorsqu’un chômeur ou un RSAiste bénéficie de la solidarité nationale, bien au contraire il évite d’éventuels désagréments pour lui ou ses proches.
Enfin, la santé publique qui ne serait qu’un trou lorsque l’on qualifie la sécurité sociale est un magnifique exemple de novlangue manipulatrice à l’œuvre depuis trop longtemps. Si la sécurité sociale est en déficit, c’est uniquement parce que l’Etat la laisse dans cette situation volontairement, car il n’y a pas plus de déficit que de bénéfice dans cette organisme d’intérêt général, il y a juste une nécessité d’équilibrer les recettes qui permettent de financer les besoins en santé de toute la population, une des missions essentielles d’une société évoluée qui permet de compenser le caractère aléatoire et injuste de la santé individuelle pour ne pas lui adjoindre l’injustice de la diversité des capacités financières dont chacun dispose pour se soigner.
Une société avec des individus en bonne santé et préventivement soignés, c’est une société plus équilibrée, plus productive qui accroit la richesse de tous, rangeant le trou de la sécu à un vulgaire effet d’annonce destiné une fois de plus à faire peur pour servir les intérêts de ceux que le concept républicain et constitutionnel d’Egalité rebute.
Toutes ces affirmations énoncées comme des fausses vérités permettent ainsi d’instaurer un climat où la méfiance n’est plus de mise et où la falsification volontaire permanente peut se produire aisément. L’exemple très récent de l’explication du gel des salaires des fonctionnaires justifié par une volonté de lutter contre les déficits publics en est un exemple frappant quand pendant quatre ans jamais cette même justification n’est venu expliquer les cadeaux fiscaux apportés aux millionnaires de ce pays grâce au bouclier fiscal.
Il est temps que cela cesse.