Loin des révoltes, la poudrière palestinienne

Publié le 20 avril 2011 par Jcharmelot

Le monde a les yeux rivé sur les images nouvelles qui nous viennent des pays arabes. Des capitales s’y soulèvent, des tyrans y disparaissent, et des rebelles y prennent les armes. Depuis l’immolation par le feu d’un jeune tunisien à la mi-décembre, la chronique de ces terres proches ou lointaines est alimentée tous les jours par de nouveaux épisodes. Les commentaires saluent le « printemps arabe », la saison des révoltes dans une zone qui s’étend de l’Afrique du nord aux rives du Golfe. Les louanges ne tarissent pas pour ces peuples que les analystes voient avec surprise et satisfaction sortir de leur soumission et retrouver leur « dignité ». Et pourtant, non loin de la Tunisie, ou de la Libye, et encore plus près de l’Egypte, le problème qui a provoqué des guerres, soulevé des passions, inspiré des actes de violence, de désespoir et de terrorisme, et a résisté à toutes les tentatives de règlement depuis plus de 60 ans persiste, sans espoir de progrès. Le conflit israélo-palestinien a été mis entre parenthèse. Oublié, semble-t-il, dans le nouveau désordre qui s’installe dans les pays arabes. Depuis l’échec en septembre 2010 de la reprises des négociations entre les Israéliens et Palestiniens, la question de la création d’un état palestinien, si urgente à l’époque, semble le vestige d’un passé lointain. Il ne reste plus que des intellectuels israéliens, ou d’anciens responsables politiques, aujourd’hui passés à la vie civile, pour rappeler au monde que de la solution de ce problème-là dépend la stabilité de la région. Le 20 avril, des artistes israéliens de renom ont publié une pétition dans laquelle ils réclament la création d’un état palestinien aux cotés de l’état hébreu. Quinze jours plus tôt, un autre groupe, des hommes d’affaires, des universitaires, d’anciens chefs des services de sécurité, avaient signé « l’Initiative de Paix israélienne », qui réclamait, elle aussi, la création d’un état palestinien. Mais ces appels ont peu de chance d’être suivis d’effets. Les négociations sont figées depuis que les Palestiniens ont refusé de reprendre les discussions tant que la construction de colonies juives se poursuivrait sur des terres qu’ils considèrent comme les leurs. Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu réclame comme preuve de la bonne foi des Palestiniens qu’ils reconnaissent le caractère juif d’Israël, autrement dit qu’ils abandonnent avant même l’ouverture de négociations le droit au retour des dizaines de milliers de familles palestiniennes chassées de leurs terres lors de la création d’Israël en 1948. Dans une lettre au New York Times, Aaron David Miller, un des négociateurs du processus de paix dans les années 1990, a rappelé que le seul qui pouvait débloquer la situation était le président Barack Obama. Il lui demandait de prendre une initiative forte aboutissant à la solution des deux états, comme cela est maintenant convenu depuis longtemps. Mais le président Obama est déjà redevenu le « candidat » Obama, en lice pour l’élection de novembre 2012. Les temps sont propices pour faire le bilan d’un premier mandat, marqué par les progrès de la démocratie dans le monde arabe. Mais  ils ne le sont pas pour se lancer de nouveau à l’attaque de la droite israélienne, qui considère le 44 ème président des Etats-Unis comme un ennemi, et ne souhaite pas l’aider à devenir le 45 ème. Pour autant, le temps presse, le manque de solution à la question palestinienne risque de venir rapidement rappeler à la réalité ceux qui se sont pris à rêver d’un monde arabe apaisé. La mort par le feu d’un jeune Tunisien de 26 ans, Mohamed Bouazizi, a marqué le début d’un incendie qui a emporté des dictateurs et en menacent d’autres. Sans doute lorsqu’il s’est donné la mort, Bouazizi n’imaginait pas les conséquences de son geste. Tout comme le jeune manifestant tué, 23 ans plus tôt, dans le camp palestinien  de Jabalia à Gaza. Son nom n’a pas été retenu par l’histoire, et lui non plus ne se doutait pas que sa mort dans des affrontements avec l’armée israélienne allait être le signal du début de la première Intifada. Six ans de violences allaient suivre qui marqueraient l’une des pires périodes de l’histoire récente de la Palestine et d’Israël. Les étincelles sont toujours imprévisibles, mais les poudrières qu’elles mettent à feu sont loin d’être nouvelles. Elles nous menacent depuis des décennies, et explosent régulièrement.

New York Times, 19 avril 2011

New York Times, 4 avril 2011

New York Times, Aaron Miller, 4 avril 2011

New York Times, 24 mars 2011