John Eales
Les Reds viennent de remporter leur sixième rencontre d’affilée, performance qu’ils n’avaient plus réalisé depuis… 1996. A cette époque, les rangs des joueurs du Queensland étaient composés de John Eales, Tim Horan, Daniel Herbert, Ben Tune, Toutai Kefu, Jason Little ou Michael Foley. De la à faire un parallèle entre les joueurs actuels de la franchise de Brisbane et les légendes Reds et Wallabies de 1996 il y a un gouffre… que je franchis allègrement. Les hommes d’Ewen McKenzie ont réalisé deux grosses performances coup sur coup en s’imposant à Cape Town face aux Stormers la semaine passée puis face aux Bulls à domicile ce week end. Ils sont avec les Crusaders, favoris pour le titre cette année, une perspective inimaginable il y a tout juste plus d’un an en janvier 2010. Retour sur les évènements ayant ramené les Queenslanders vers les sommets.
Une longue descente aux enfers
Scott Higginbotham
Depuis la fin des années John Eales, emmenés par une génération médiocre (John Roe, David Croft, Sam Cordingley ou Sean Hardman), les Queensland Reds se sont éteints à petit feu, laissant aux Brumbies et aux Waratahs le soin de représenter l’Australie au plus haut niveau du Super Rugby. Après avoir dû composer avec les départs en 2005 de Wendell Sailor et d’Elton Flatley, le coup de grâce est porté à la franchise en 2006 avec la création de la Western Force. Le rugby n’étant que très peu développé en Western Australia, il a bien fallu recruter ailleurs, et donc sur la côte est. Le New South Wales étant déjà couvert par les Waratahs et les Brumbies, John Mitchell s’est donc tourné vers le Queensland, autre bastion du rugby union, pour former son groupe. Sur deux années, 2006 et 2007, la Force a non seulement débauché des cadres des Reds comme Nathan Sharpe ou Drew Mitchell, des espoirs comme Digby Ioane, Scott Daruda ou Lachlan MacKay mais surtout des jeunes du Queensland n’ayant pas encore percé en tant que pro comme David Pocock, Richard Brown ou James O’Connor. Privés de ses cadres, de ses espoirs et de sa base, les Reds ont sombré entre 2006 et 2009 sous les directions successives de Jeff Milner, de l’inénarrable Eddie Jones puis de Phil Mooney, alternant entre la 12e et la dernière place. Au cours de ces années galères, synonymes de reconstruction, Mooney a eu le mérite de recruter malin avec le retour de Ioane, la venue des frères Faingaa ou les signatures de Leroy Houston et Rodney Davies, mais aussi de ne pas hésiter à lancer des jeunes et à leur maintenir sa confiance. Quade Cooper, Will Genia, James Horwill, Ben Daley, Scott Higginbotham ou Peter Hynes ont ainsi eu plusieurs saisons pour se roder au haut niveau et devenir les joueurs que l’on connait actuellement.
La métamorphose opérée par Ewen McKenzie
Quade Cooper
Au cours du second semestre 2009, l’annonce des départs de Berrick Barnes et de Hugh McMeniman laissait présager d’un tournoi 2010 galère pour les hommes du nouveau coach, Ewen McKenzie, tout fraichement débarqué (dans les deux sens) de Paris. J’étais le premier à critiquer ce choix d’entraîneur, McKenzie représentant à mes yeux deux échecs aux Waratahs puis au Stade Français ainsi qu’un style de jeu peu ambitieux, à l’image des Wallabies 2003-08. Et les résultats des Reds lors du Super 14 2010 m’ont fait comprendre que je m’étais complètement trompé! Libéré de l’ombre de Berrick Barnes dont la présence le reléguait au poste de premier centre, Quade Cooper à pris une autre dimension et le jeu des Reds s’est ainsi débridé et plus porté vers l’offensive. Alors certes les mauvaises langues vont parler des lacunes défensives et du faible ratio de coups de pied transformés, mais le spectacle offert sur le terrain et le nombre d’essais inscrits vaut bien plus que les nombreuses purges défensives auxquelles nous assistons en Europe. Le mérite de ce retour en grâce est bien sur dû au discours de l’ancien pilier international, mais aussi à l’intronisation de Robbie Deans à la tête des Wallabies, ce dernier ayant pris le pari de renouveler son groupe avec les jeunes espoirs nationaux. Après des débuts désastreux, les Cooper, Genia, Ioane, Horwill, Hynes et plus récemment Faingaa, Slipper ou Simmons sont devenus des membres réguliers de la sélection nationale et ont ramené cette nouvelle expérience dans leur franchise. Les Reds 2011 paraissent plus sérieux, matures et engagés que l’an passé. La claque reçue face aux Waratahs à Sydney en début de tournoi, leur dernière défaite en date, a eu l’effet escompté, et la victoire de la semaine dernière à Cape Town a démontré que les Reds n’étaient pas là que pour faire le show. Le choc du 29 mai face aux Crusaders à Brisbane est désormais attendu avec impatience aux quatre coins du globe, mais auparavant les hommes du capitaine James Horwill ont une revanche à domicile à jouer ce week end face aux Waratahs.
Quel avenir ?
Luke Morahan
Luke Morahan, auteur de deux essais face aux Bulls et très estimé par Robbie Deans est passé récemment par le programme australien de rugby à VII. C’était le cas l’an passé pour Liam Gill, Kimami Sitauti, Dom Shipperley et cette année pour Jono Lance, Joel Faulkner, Aidan Toua et Tevita Kuridrani. Les Reds ne sont donc pas près de perdre leur style de jeu, la relève étant déjà rodée et prête en cas de défection. Car c’est bien ce dernier point qui fait peur dans le Queensland. Après la Western Force, ce sont les Melbourne Rebels qui ont intégré le Super Rugby et ces deux franchises sont très riches. Déjà délestés sans véritable dommage de Laurie Weeks, Adam Byrnes et Richard Kingi l’an passé, les nouvelles cibles des Victoriens sont Quade Cooper et Luke Morahan. Cependant, malgré les rumeurs de son transfert vers Melbourne, James O’Connor n’aurait encore rien signé et aurait été contacté par Ewen McKenzie pour un retour à la maison! Pour l’instant, arrivées comme départs ne sont qu’au stade des rumeurs. Le changement opéré fin 2009 avec l’intronisation des légendes locales Rod McCall à la présidence, Tim Horan, Daniel Herbert et Dan Crowley en charge du développement du rugby et de la détection dans l’état commencent à porter leurs fruits. La proportion de jeunes Queenslanders dans les sélections espoirs ou schoolboys ne cesse de croître laissant augurer un avenir prometteur pour la franchise, malgré l’appétit des zones desoeuvrés rugbystiquement, Melbourne et Perth!
Article à retrouver égaler sur Rencontres à XV.