18h06

Publié le 20 avril 2011 par Ladyblogue


Je quitte l'agence. Je chevauche ma Polo. Sur la route, de l'autre côté de la voie, un couple se promène, 65-75 ans, peut-être plus. Par terre, un passage avec des petits cailloux blancs. La femme dérape, glisse, tombe à genoux. Le mouvement est si rapide qu'il lui fait perdre l'équilibre ; c'est son buste tout entier qui tombe à terre, le visage cogne au sol. Je regarde dans mon rétro, je vois la femme allongée. Bouge-t-elle ? Je cherche un endroit pour faire demi-tour. Je rejoins le lieu de l'accident et me gare sèchement. Le couple est là, la femme s'est relevée. Le visage en sang, le front et nez rouges et bleus, elle les tamponne doucement avec un mouchoir en tissu rayé. Je demande si ça va, si je peux les aider, passer un coup de fil - je doute qu'ils aient un portable - ou les amener chez eux avec ma voiture. La femme est gênée. "Non non, on est à 2 min...". J'insiste, son visage tuméfié me fout les jetons. Si ca se trouve, elle s'est cassée le nez... J'aimerais m'approcher d'elle et soutenir son corps sous le choc. Mais je n'ose pas. Elle prend de la distance, comme déjà en route pour chez elle. Je vérifie du regard si elle marche droit. Son mari tente de la persuader d'accepter mon aide. Je le sens inquiet pour son épouse. Moi aussi. Mais elle refuse. Je ne sais pas si c'est de la gêne, de la fierté ou de la méfiance. J'insiste une dernière fois, encore une fois, au cas où. "Non, non.. c'est gentil...".
Je me dirige vers ma voiture, le ventre noué de laisser cette femme aux cheveux blancs partir le mouchoir en sang collé au visage.
Son mari s'apprête à la suivre, s'arrête, me regarde, silencieux. "... Je tiens à vous remercier de votre geste... je suis vraiment touché... Merci..." Lui aussi est sous le choc. Il a les larmes aux yeux. Je réponds qu'il n'y a pas de quoi, que c'est tout à fait normal.
Je monte dans ma bagnole.
J'ai les mains qui tremblent. La vue du sang sans doute... et aussi l'émotion de ce papy.
Ce soir, je pense à eux.